Aimer comme Susie Morgenstern

Histoire d’amour des temps modernes, Susie et Georges se rencontrent après avoir échangé sur un site de rencontres. Susie a 60 ans, Georges 74, et alors ? De cette belle histoire naîtra un très beau livre : Fleurs tardives.

Le 8 mars 2007, sur le quai de la Gare de Lyon, une rencontre majeure prend place : après avoir échangé pendant des semaines sur un site de rencontres, Susie rencontre Georges. Susie, c’est l’américaine aux lunettes en forme de coeur, une mèche rose dans les cheveux et Georges, le Suisse aux grandes oreilles avec son imper des années 20. Deux mondes se rencontrent sur un quai de gare et la magie opère. Ce n’est pas une histoire extraordinaire. Et pourtant, comme toutes les histoires d’amour, elle l’est. Susie a soixante ans, Georges soixante-quatorze ans. Susie dit de lui : « Il n’a pas une minute de moins que son âge. »

L’histoire d’un amour

Comme souvent en ligne, il faut d’abord faire face à la surprise : elle n’a pas mis de photo sur son profil de présentation sur le site de rencontres et, sur celui de Georges, elle ne discerne par ses grandes oreilles décollées. Qu’importe, nos protagonistes se rencontrent, se regardent, se parlent, se plaisent. Lui, le grand timide, elle la volubile, ils se trouvent des points communs et Susie accompagne Georges à son hôtel. Elle appelle sa fille pour la prévenir qu’elle va découcher. Susie et Georges passent la nuit ensemble. Susie racontera par la suite qu’elle s’est même jetée sur lui, déstabilisant Georges. Elle lui dira : « Écoute Georges, on n’a pas le temps de se faire la cour. » Pas de temps à perdre pour s’aimer !

Les fleurs tardives

Georges n’est pas le premier amour de Susie, ni elle le sien. Elle a perdu son mari, Jacques, dix ans avant de rencontrer Georges ; il est divorcé depuis longtemps. Cela ne change rien, l’amour n’existe que dans le présent. Tous les deux, ils écriront Fleurs tardives. Chacun son tour, ils écrivent leur rencontre. Ils partagent leurs doutes, leurs espoirs, bref la naissance d’une vraie, belle histoire d’amour. Il faut dire que Susie écrit : depuis plusieurs décennies, elle est une des stars de la littérature jeunesse. Elle écrit aussi, plus récemment dans sa carrière, des oeuvres autobiographiques : elle parle du décès de son mari dans Jacques a dit, de Georges dans Fleurs Tardives, du cancer du sein auquel elle survit dans Accroche-toi…

S’aimer comme Susie et Georges

Susie habite sur la Côte d’Azur, Georges dans la montagne en Suisse. Alors, ils se manquent et se retrouvent dans des moments joyeux. J’en suis convaincue, il y a mille façons de vieillir. Il y a une partie sur laquelle on n’a pas tellement la main (la santé, par exemple) et une partie sur laquelle on peut agir. Susie est résolument elle-même, Georges est un timide qui se lance quand même. Et moi, je lis leur histoire, j’écoute Susie la raconter à la radio et tout ce que je vois c’est une histoire d’amour. Leur âge est une donnée de cette histoire, mais ce n’est pas la seule ou même la plus importante.

Et pourtant, on a tendance à placer les personnes âgées dans des espèces de limbes de l’amour. C’est comme si, avec l’âge, il fallait devenir sage (triste) et arrêter de tomber amoureux. Ou du moins, s’aimer de loin, platoniquement, poliment. Susie et Georges ne s’aiment pas « comme des vieux » ; ils s’aiment. Non seulement il est possible d’avoir une vie sexuelle après soixante-dix ans, mais elle peut être épanouie et épanouissante. Évidemment, l’âge a des conséquences : le corps est plus douloureux, l’expression corporelle du désir prend parfois plus de temps, mais cela n’empêche rien. La vieillesse n’est pas une fin, un âge des interdits où il ne faudrait plus trop vivre, ou pas trop fort et pas aimer, ou en secret. Vive les vieux et les vieilles, toutes les Susie et tous les Georges !

Le dernier essai de Susie Morgenstern, Mes 18 exils, vient de paraître !

Gwendoline Coipeault

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