Afghanistan – Ne nous résignons pas !

Il y a quelques semaines, au coeur de l’été, nous ouvrions nos colonnes à notre amie Shoukria Haïdar, Présidente de l’association Negar – Soutien aux femmes d’Afghanistan, militante afghane pour les droits des femmes en Afghanistan et dans le monde que nous connaissons depuis la fin des années 90. À cette époque, nous relayions le combat qu’elle menait avec des associations françaises, dont Femmes solidaires, pour ouvrir des classes clandestines en Afghanistan. Puis nous avons partagé l’espoir d’une vie meilleure après la chute des Talibans. Il y a quelques semaines, elle lançait un nouvel appel dans notre magazine, appel à la vigilance, appel d’urgence et de détresse devant l’avancée des Talibans sur Kaboul. Nous pensions avoir quelques semaines, quelques mois pour relayer la parole des Afghanes et créer un rapport de force dans notre pays et dans le monde. Les Talibans sont entrés dans Kaboul dès le 15 août, trois semaines avant la date stipulée dans le pacte américano-taliban de Doha, pacte qui prévoyait que les clés du pays soient rétrocédées à ce groupe terroriste. Quel cynisme, quelle infamie, quel mépris pour les droits humains !

Cette passation faite entre une démocratie et un groupe terroriste, totalement assumée aux yeux du monde, est une grande première. L’entente cordiale de la France avec ce groupe terroriste pour exfiltrer ses ressortissants est également une première et marque une sorte de reconnaissance implicite, insupportable, de leur place à la tête du pays. La France doit être claire, elle ne peut pas reconnaître les Talibans comme représentants de l’Afghanistan sur le plan international. Elle doit rapidement soutenir la constitution d’une représentation politique démocratique à l’extérieur du pays. La résistance afghane existe, il nous faut aujourd’hui l’aider à s’installer sur le champ diplomatique comme une alternative en laquelle nous croyons. Et les femmes afghanes, y compris de la diaspora, doivent y siéger pour relayer la voix des femmes restées dans leur pays. N’est-ce pas ainsi que De Gaulle, depuis Londres, a permis la fédération de l’ensemble des mouvements de la Résistance en 1944 ?

L’Otan ne répond pas aux enjeux de notre siècle, elle est d’une autre époque, celle où la suprématie des USA pouvait encore tromper son monde (encore que…). Aujourd’hui, Biden a montré le vrai visage de la politique extérieure des USA : seuls les intérêts économiques et politiques américains trouvent grâce aux yeux des Démocrates et des Républicains, ils agissent sur la même ligne. Il faut que la France quitte les logiques de guerre et d’hégémonie de l’Otan, d’abord parce que son bilan humain est catastrophique. Trafic d’influence, petits arrangements entre amis, pactes cyniques avec, au coeur, la Turquie d’Erdogan : cette alliance s’apparente plus à de la voyoucratie qu’à une alliance démocratique. Crée par le traité de Washington du 4 avril 1949, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), forte de vingt-neuf membres, est une organisation internationale à caractère politique et militaire, dont l’objectif est normalement « de garantir la liberté et la sécurité de ses membres au travers de moyens politiques et militaires » : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties […]. » Ce principe de défense collective n’a été invoqué qu’une seule fois dans l’histoire de l’Otan, en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Maintenant que nous voyons les conséquences catastrophiques de ce pacte, il est de la responsabilité de la France d’en tirer les conclusions et d’être à l’initiative d’une autre alliance basée sur les droits humains et en premiers lieux les droits des femmes et des enfants, véritable curseur pour juger les politiques internationales des pays.

Le 8 septembre, s’ouvrira à Paris le procès des auteurs encore vivants des attentats du 13 novembre 2015. Faut-il encore expliquer à chacun combien nos sorts sont liés. L’islamisme n’est pas une religion mais un projet politique, il tue à Paris comme à Islamabad et à Kaboul. Les terroristes ne sont pas plus acceptables dès lors qu’ils détiennent le pouvoir loin de chez nous. Ils ont le même projet pour chacun d’entre nous, Parisien ou Kabouli, chrétien, athé, juif ou musulman. La musique, la vie sociale, les droits des femmes et l’instruction libre disparaissent de Kaboul comme ils ont été attaqués à Paris. Quand les droits des femmes sont niés quelque part dans le monde, ce sont les droits de chacune d’entre nous, de chacun d’entre nous, qui sont en danger. Ne l’oublions pas et surtout ne nous résignons pas !

Carine Delahaie

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