Le Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – s’empare désormais de la question du sexisme et de l’image des femmes véhiculée par les médias. Échange avec Sylvie Pierre-Brossolette, membre du CSA et présidente du groupe de travail « Droits des femmes », journaliste, éditorialiste politique dont la carrière prestigieuse n’a pas entamé sa détermination à faire évoluer la condition et la place des femmes. Les droits des femmes ont été l’an dernier un sujet fort pour le CSA avec la délibération de février 2015. Quel en a été l’impact ? Comment accompagne-t-elle la présidente du groupe de travail que vous êtes au sein du CSA ? La délibération de février 2015 est un temps fort de l’application de la loi du 4 août 2014. Elle en fixe les règles d’application. Chaque année, les télévisions et radios doivent nous déclarer leur évaluation de la présence des femmes sur leurs antennes. Une évaluation quantitative, mais aussi qualitative, pour les inciter à examiner – et donc à diminuer – le degré de stéréotypes dans leurs programmes. Ces déclarations sont rendues publiques par le CSA. Une forte pression s’exerce ainsi pour que la place faite aux femmes s’améliore d’année en année. Ce travail […]
Catégorie : Au fil de Clara
Lemonade ou le féminisme de Beyoncé
Choisissant de s’affranchir d’une image lisse de superstar, Beyoncé signe un album visuel percutant. Ancrée dans la réalité de la communauté noire-américaine d’aujourd’hui, le message porté par Lemonade n’en est pas moins universel et radical. Lemonade (1), le dernier album de Beyoncé, a suscité une vague de réactions enflammées aux États-Unis dans tous les groupes qui partagent un discours émancipateur. Les féministes ont reconnu dans l’oeuvre une continuité de leurs réflexions et analyses. Pour les militant.e.s des droits civiques, il fait écho à l’activisme #BlackLivesMatter (2) de ces dernières années. Mais de quoi Lemonade est-il vraiment le nom ? Le personnel est politique Si Beyoncé évoque dans Lemonade l’infidélité de son époux, c’est surtout pour exposer son propre parcours et sa propre analyse. Face à leurs blessures, on attend toujours des femmes qu’elles se contiennent dans un silence que l’on dit « digne », mais nos aînées féministes l’affirmaient avec raison, le personnel est souvent politique. Beyoncé refuse avec force d’être définie en quoi que ce soit par l’infidélité de son époux. Sa question, « Mais pour qui tu me prends ? », répétée avec force, est surtout l’occasion pour elle d’imposer sa propre réponse. Elle rappelle en fait une […]
#stopvioldjibouti
Les femmes afars sont des Femen. Qui en doute ne sait rien de ce qui fait le combat de ces femmes. Qui ne comprend pas ce pacte féministe, ne connaît pas cette douleur commune qui étreint les femmes depuis la nuit des temps, des premiers rayons de leur vie jusqu’au rideau tombant sur leur crépuscule. Il y a encore dix ans, les femmes afars, lionnes de la corne de l’Afrique, vivaient le torse nu, les hanches enrobées dans un pagne aux couleurs vives. Cette légèreté de mouvement cachait cependant les cicatrices des mutilations sexuelles pratiquées depuis des temps lointains sur leur corps, les réduisant à la douleur et la peur. La liberté n’est qu’apparente. Aujourd’hui, des conteneurs de tee-shirts leurs sont imposés par les riches pays du Golfe au nom de l’islam contre quelques programmes d’éducation ou de santé. Leur corps est une fois de plus l’enjeu d’une guerre de territoires qui commence par la confiscation du droit fondamental à en disposer comme elles le souhaitent. Comme si le poids du patriarcat qui pèse sur elles ne suffisait pas à leur malheur, les femmes afars de Djibouti* subissent depuis 1991 les viols massifs de l’armée gouvernementale des dictatures successives, dont […]
Viols des femmes à Djibouti : l’arme de la répression
Confronté à une opposition civile et armée, le régime autoritaire du Président Ismaël Omar Guelleh utilise toutes les armes pour se maintenir au pouvoir. Parmi ces « armes », le viol de femmes et jeunes filles afars par ses forces armées et ses forces de l’ordre ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire. Dix femmes de Djibouti, résidant en France et en Belgique, entament une grève de la faim, le 25 mars 2016, pour dénoncer l’impunité totale dont bénéficient les soldats djiboutiens auteurs de viols contre des femmes afars, depuis 1993, dans le Nord et le Sud-Ouest de Djibouti. Depuis son indépendance, en 1977, Djibouti vit sous un régime autoritaire. En 1999, Ismaël Omar Guelleh a succédé à son oncle Hassan Gouled Aptidon. En avril 2011, il entamait son troisième mandat après une modification de la Constitution, très controversée selon l’opposition, l’autorisant à se présenter ad vitam aeternam, à l’instar d’un certain nombre de ses homologues africains. L’opposition djiboutienne, quant à elle, est bâillonnée. Toute contestation politique ou syndicale, toute forme d’expression médiatique « non conforme » aux desiderata du pouvoir font l’objet de poursuites et d’intimidations pouvant aller jusqu’à des emprisonnements arbitraires, des tortures, des menaces sur les proches, des saisies de biens… Malgré […]
Calais, la double peine des migrantes
Calais est cette ville emblématique d’où s’élança Blériot pour traverser la Manche, ville de tous les départs vers l’Angleterre au temps glorieux de l’unique ferry, ville glorifiant depuis le temps jadis ses bourgeois, ville qui repousse loin de son centre-ville… ses migrant.e.s. Dans les allées de la « jungle », les femmes sont des proies faciles. Bien que fuyant des zones de conflits, de pauvreté, elles ne trouvent pas ici la sécurité que notre constitution promet à chaque femme sur notre sol, française ou étrangère. La violence n’a pas de nationalité. Enquête. La proximité géographique de Calais avec l’Angleterre en fait un haut lieu de transit pour les migrant.e.s depuis des années. D’abord, il y eu le centre de Sangatte, géré par la Croix-Rouge, qui ouvre ses portes en 1999. Puis est venue sa fermeture en 2002 qui n’a pas endigué le flot massif des migrant.e.s fuyant la guerre, la misère et la pauvreté, rejoignant le Nord-Pas-de-Calais. La création illicite et sauvage de plusieurs camps, plus ou moins grands, a suivi et réparti les différentes communautés entre les villes de Calais, Sangatte et Coquelles. Ces camps ont été successivement démantelés et, à chaque démantèlement, de nouveaux hébergements précaires ont été […]
Livre Accès, entretien avec Virginie Brivady
L’invisibilité des personnes en situation de handicap dans notre société est un phénomène difficile à inverser. Sans marginaliser les personnes en situation de handicap et sans se focaliser sur une forme de handicap, la librairie en ligne Livre Accès a le projet ambitieux de mettre en lien des livres adaptés et un public le plus large possible. Les livres adaptés sont universels, pour personne en situation de handicap ou non. Entretien avec sa fondatrice, Virginie Brivady. Quand l’aventure Livre Accès a-t-elle débuté ? J’ai lancé le site Livre Accès en septembre 2012. Au début, l’idée était juste d’avoir un référencement de livres adaptés pour tous, pour pouvoir renseigner les parents et les professionnel.le.s. Mais au fur et à mesure, beaucoup de monde m’a demandé où était le petit panier pour acheter les livres. Ainsi, en septembre 2015, est née l’idée d’une librairie en ligne. L’idée pour vous est de normaliser l’usage des documents adaptés ? Oui, cela va dans le sens de l’école inclusive, de l’école pour tous. Souvent les gens associent livres adaptés à livres pour handicapé.e, or les livres adaptés sont des ouvrages accessibles à tous et toutes et pas seulement aux enfants en situation de handicap. Ce […]
Agnès Jaoui, latine et engagée
Depuis presque vingt ans, Agnès Jaoui revisite la musique latine. 20 novembre 2015, après avoir traversé un Paris quasi silencieux, peinant à sortir de sa torpeur, nous nous sommes retrouvé.e.s humaines au Théâtre Antoine, avec cette artiste d’une grande humanité, pour écouter son album Nostalgias prendre forme. Agnès Jaoui a définitivement le goût des autres et le goût des peuples du grand sud. Quelques jours après son concert parisien, je retrouve Agnès Jaoui dans un restaurant de la capitale pour une interview. La conversation est facile, l’artiste ne cherche pas à convaincre mais à partager. Une voix bluffante, une proposition artistique audacieuse (Fairuz, Rossini…), des musiciens libres, son concert m’a portée quelques jours encore après que la lumière se soit rallumée. Un moment de grâce suspendu dans une période de douleur nationale. Vous avez rencontré la musique cubaine, il y a vingt ans, un peu par hasard lors d’un voyage. Qu’avez-vous trouvé en Amérique latine ? J’y ai retrouvé la Tunisie de l’enfance de mes parents, les gens qui jouent aux cartes dehors devant les portes, un rapport aux autres loin des codes parisiens où les gens sont sur la défensive. Là-bas, les gens ne sont jamais sur la retenue. […]
La communication doit se conjuguer au féminin
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes vient de publier le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe : un outil indispensable, salutaire et décoiffant ! Mais là comme ailleurs, les stéréotypes se développent de façon inconsciente si l’on n’y prend pas garde avec pour conséquence la sous-représentation des femmes, leur enfermement dans des rôles et situations limités, l’usage dominant du masculin dans la rédaction. Le Haut Conseil à l’égalité a pris le problème à bras-le-corps estimant que, pour renverser la tendance, l’État, les grandes institutions et les collectivités territoriales se doivent d’être exemplaires. Pour y parvenir, il a décidé de mettre à leur disposition un guide conseil sur toutes les problématiques de la communication. Un outil innovant Fruit d’un travail approfondi avec des linguistes, des professionnels de la communication et des fonctionnaires, ce guide n’esquive aucune question et casse un à un tous les échappatoires tentant de justifier la place dominante du masculin : non, le masculin n’est pas l’expression du neutre ; en français, le neutre n’existe pas, les mots sont soit masculins, soit féminins. Non, la visibilité des femmes n’alourdit pas le texte. Il faut en finir avec les expressions […]
« Une histoire de fou », entretien avec Ariane Ascaride
Dans le dernier film de Robert Guédiguian, Une histoire de fou, Ariane Ascaride est Anouch, une femme assiégée entre deux générations, celle de sa mère rescapée du Génocide arménien et celle de son fils qui hurle vengeance. Alors que l’une s’éteint dans la folie, l’autre s’engage dans la lutte armée pour ne pas y sombrer. De la mémoire ou de l’oubli, de laquelle des deux rives de la tragédie humaine revient-on vivant ? Entretien avec Ariane Ascaride. Dans ce film, vous incarnez Anouch, une mère de famille d’origine arménienne, une femme qui a mari et enfants mais que l’histoire de son peuple va rattraper… Anouch est à la fois une fille et une mère. Elle porte toutes les douleurs de la diaspora arménienne, celle de sa mère qui est une rescapée du Génocide, et qui la transmet à son fils, Aram, qui demande réparation pour ce crime. Elle vit avec un homme qui est l’image même d’une génération d’hommes arméniens qui assurent le quotidien, l’équilibre de leur famille. Il représente cette génération d’ après le Génocide qui a déployé une force incroyable pour s’intégrer. La diaspora arménienne a fait cela d’une manière assez étonnante, elle s’est fondue dans la société […]
Naomi Klein, l’avant-garde
L’engagement et le militantisme font partie de l’héritage familial de cette canadienne de 45 ans : grands-parents marxistes, parents immigrés au Canada pour protester contre la guerre au Vietnam… Elle a quant à elle choisi le mouvement altermondialiste qui la « consacre » en 2000 suite à la parution de son essai No logo, devenu un best-seller mondial, où elle condamne notamment la mainmise des entreprises multinationales sur la vie des habitant-es de notre planète. Le capitalisme détraque le temps Son engagement pour la défense du climat est assez tardif, de son propre aveu. Sa prise de conscience remonte à sa rencontre, en avril 2009, avec Angelica Navarro Llanos, ambassadrice de la Bolivie, à qui incombait la lourde tâche de défendre les intérêts de son pays dans les négociations internationales sur le climat. Depuis, Naomi Klein a nettement rattrapé son retard et son récent ouvrage en est la preuve. Elle y explique, d’une manière accessible au plus grand nombre et sur la base de nombreuses recherches, les liens entre le capitalisme effréné actuel et le dérèglement climatique, renforçant les inégalités sociales et la vulnérabilité des plus faibles aux conséquences du réchauffement de la Terre. Elle détaille particulièrement les manœuvres et […]
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