Édito : Mes larmes sèchent d’elles-mêmes…

Il y a maintenant dix ans, Amy Winehouse disparaissait. Amy Winehouse, une musicienne géniale dont la voix vient nous chercher dans nos propres émotions. Amy, juste une fille submergée par ses sentiments, juste une fille définitivement insolente, qui a sublimé ses souffrances dans la musique qu’elle a créée et les mots qu’elle a hurlés à la face du monde. Elle a laissé comme une plaie béante dans la musique, dans tant de vies d’artistes, et surtout de fans. Pourtant, tout ce talent, ce manque d’elle, n’a pas vraiment compté pendant dix ans. Tout ce qui a intéressé les critiques, la presse et ses tabloïds c’est l’alcoolisme d’Amy Winehouse. Combien de comiques, de présentateurs de télé l’ont citée ou imitée à chaque fois qu’ils avaient l’occasion de parler d’alcool ou de drogue. Amy Winehouse a été le plus souvent essentialisée par ses démons, ses addictions, caricaturée, maigre, saoule et titubante… Le 23 juillet 2011, elle rejoignait le « club des 27 », ces artistes mythiques du rock et du blues disparu.e.s à l’âge de vingt-sept ans dont parmi les plus connu.e.s Jim Morrison, Kurt Cobain ou encore Jimi Hendrix sont tous morts en victimes directes ou indirectes de leurs addictions. Pourtant, […]

Ces planqués derrière l’écran…

Entre le 7 et le 14 mai, l’Anti defamation league (ADL) a recensé plus de 17 000 messages sur Twitter avec la phrase – et variantes – : « Hitler avait raison. » Adeel Raja, un pigiste de CNN au Pakistan, lui, a posté sur les réseaux : « Le monde aujourd’hui a besoin d’un Hitler. » CNN a immédiatement mis fin à toute collaboration avec cet auteur admiratif de l’extermination des juifs. Ici, le 18 décembre 2020, c’est une candidate de Miss France, April Benayoum qui, le soir de l’élection, a reçu un déluge de messages de haine après s’être présentée « d’origines assez variées avec ma mère serbo-croate et mon père israélien-italien ». Dans ce florilège : « Tonton Hitler, t’as oublié d’exterminer Miss Provence », « Ne votez pas Miss Provence, raison : ELLE est juive » ou encore « Miss Provence a un lien avec Israël, allez dégage-moi ça ». Le procureur de la République ayant rapidement été saisi, neuf personnes dont une mineure ont été identifiées, placées en garde à vue ce 17 mai par le pôle national contre la haine en ligne et seront jugées le 29 septembre. Ces planqués derrière l’écran pourrissent les […]

« Il y a une génération de jeunes filles avec un langage de courage et une volonté de faire »

Rencontre avec Shoukria Haidar, présidente de NEGAR – association de soutien aux femmes afghanes –, qui est une fervente défenseure de la laïcité, de l’égalité entre hommes et femmes ; en 2014, elle a reçu le Grand Prix international de la Laïcité. Joe Biden a annoncé le retrait total des troupes américaines en Afghanistan, bonne ou mauvaise nouvelle ? Mise à part la date, Joe Biden n’a rien amené de nouveau. Cette décision est celle de Donald Trump, lors d’un accord avec les Talibans de décembre 2019. Le scandale est que les États-Unis ne négocient pas avec le gouvernement mais directement avec les Talibans. Depuis l’accord entre les Talibans alliés du Pakistan et les USA, pas un caillou n’a été jeté contre des soldats américains. Alors que, dans 22 régions sur 34, il y a déjà des affrontements entre les Talibans et les troupes régulières afghanes soutenues par le soulèvement populaire. Des exactions sont commises chaque jour par les Talibans contre la population dans l’indifférence totale des Américains. Alors, leur présence n’a plus le même intérêt. Les Américains ont décidé de passer la main aux Talibans une fois partis. Sous Obama, les Américains disaient qu’ils avaient des intérêts communs avec […]

Édito : Pas d’universalité des droits en terre inconnue

Un nouvel épisode de l’émission Rendez-vous en terre inconnue est diffusé ces jours-ci. Cette fois encore, un invité prestigieux part à la découverte d’un peuple dont les coutumes et les usages lui paraîtront curieux, ce qui donnera des scènes cocasses dont les téléspectateurs de France 2 sont friands. Dans cet épisode, c’est le chanteur Vianney, joli cœur à la guitare, qui vient à la rencontre du peuple afar en Éthiopie. Nous avons très souvent parlé des femmes afars dans votre magazine et, notamment depuis quinze ans, de leur combat contre l’excision et le mariage préférentiel et précoce des enfants. Dans chaque pays où nous nous rendons, nous ne cessons de le crier : il y a des femmes qui luttent pour leur droits et leur dignité dans le monde entier. Notre job est de relayer leur parole. Mais dans tous ces pays, il y a aussi des hommes qui, nonchalamment, aimeraient bien voir leurs prérogatives et leur domination perdurer. Ainsi dans cette émission, au détour d’une conversion entre « bonzhommes », le chanteur et Raphaël de Casabianca, l’animateur, ont découvert dans un échange avec un des hommes de la communauté des pratiques exotiques passionnantes – à savoir la polygamie, le […]

Justice et vérité pour les Amazones

Les amazones fascinent. Elles sont encore aujourd’hui, dans nos sociétés, au cœur des représentations des femmes émancipées. Adrienne Mayor, chercheuse à l’Université de Stanford, s’est lancée à la poursuite de ces guerrières sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Comme toutes les figures légendaires, les amazones doivent leur renommée, les siècles passant, aux légendes écrites à leur sujet. Adrienne Mayor, chercheuse à l’Université de Stanford, leur consacre un ouvrage : Les amazones – Quand les femmes étaient les égales des hommes. Cette historienne s’intéresse à l’impact des découvertes archéologiques sur la création de figures mythologiques légendaires comme le griffon ou la licorne. Elle a croisé la route des amazones. Dans cet ouvrage, elle rassemble l’exhaustivité de ses recherches qui mènent à deux conclusions : les amazones ont vraiment existé, elles appartiennent à un peuple des steppes, mais leur vie est bien loin des figures légendaires qui sont arrivées jusqu’à nous. Leur peuple, les Scythes, s’est vu réécrire son histoire par un autre peuple, les Grecs anciens, dès le 8e siècle avant J.-C. Et les Grecs « créèrent » les amazones La vision principale des amazones est une vision « hellénocentrique », fruit d’une réécriture par des auteurs de la Grèce ancienne […]

« S’unir, se compter et peser sur les instances et les rédactions »

Laurie Delhostal est journaliste sportive. Son regard sur la place des femmes et leur vécu dans ce journalisme particulier l’a conduite à co-fonder l’association Femmes journalistes de sport pour faire bouger les lignes. Entretien. Vous avez fait une prépa hypokhâgne, khâgne, des études de philosophie, pourquoi cette envie d’aller vers le journalisme télé ? Dans mes études, la philo a été centrale. J’ai une licence et une maîtrise de philo, ça s’appelait comme ça à l’époque ! Je ne peux pas dire que depuis toute petite je voulais faire ce que je fais. J’ai le sentiment de m’être plus laissée porter par mes idées du moment, les opportunités que j’ai saisies. Je me suis dit que ce qui me correspondait le plus, parce que j’aimais écrire, parce que j’étais curieuse, c’était le journalisme. Je me suis orientée tout de suite vers le sport car c’est ma passion. J’ai grandi dans un environnement très sportif : le handball. Donc je me suis dit je vais essayer. J‘ai fait mon premier stage dans l’entreprise Sport-Ever pour les sites internet qui a ensuite ouvert la chaîne Orange-sport et on m’a proposé un poste de journaliste sportive télé. Je n’avais pas forcément envie de […]

Édito : Sauvagement, prendre la parole

Que serait ce magazine sans des prises de parole spontanées, sans préséance, paroles de victimes, de femmes en colère, d’hommes indignés, d’enfants trop longtemps murés dans le silence ? Ces prises de parole de témoins directs ou indirects de la souffrance humaine sont la quintessence de notre travail de journalistes. Que serait un magazine féministe sans la parole sauvage, au sens de sans contact préalable avec l’espèce humaine ? La parole féministe a ceci de singulier, à l’opposé de certains autres témoignages spontanés, qu’elle a pour ambition de changer le monde, de renverser les rapports de domination. L’intégralité des articles que vous lirez une fois de plus dans ce numéro sont nés de la rencontre improbable mais bien réelle entre la libération de paroles et la volonté des interlocuteurs et interlocutrices d’accueillir cette parole qui naît avant toute chose d’un trop-plein de sentiments outrageusement contrastés. Ce trop-plein de mots restés dans le fond de nos gorges voyage très souvent dans un mouvement non scientifiquement prouvé et sans explication tangible, de nos bouches vers nos doigts pour se transformer en écriture et devenir des livres. Ce trop-plein d’images se déplace par le même procédé de nos yeux vers notre main tremblante […]

Libérer la parole, protéger les enfants

Édouard Durand, vice-président du tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis, juge des enfants, a été nommé le 23 janvier par le Président de la République à la tête de la Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants*, avec Nathalie Mathieu, directrice de l’association Docteurs Bru, spécialisée dans l’accompagnement de jeunes victimes d’inceste. Entretien. En quoi consiste cette commission ? Qui la compose ? Comment va-telle travailler ? La commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants doit participer à l’élaboration de la politique publique de protection à partir de l’attention qui doit être accordée à la parole des victimes qui disent les violences sexuelles qu’elles ont subies dans leur enfance. Nathalie Mathieu, directrice de l’association Docteurs Bru et moi, avons la conviction que si des femmes et des hommes éprouvent la nécessité de révéler les violences sexuelles qu’ils ont subies dans leur enfance c’est peut-être d’abord pour protéger les enfants aujourd’hui et demain. Elle est composée de personnes expertes et engagées à la fois, médecins, psychologues, juristes, enquêteurs, responsables en protection de l’enfance, de chercheurs et de membres associés qualifiés qui ont connu ces violences. C’est un collectif qui partage la même volonté de renforcer ce […]

« C’est dans Charlie que j’ai trouvé la vision du féminisme qui me correspondait. »

Alice, dessinatrice de presse, travaille à Charlie Hebdo depuis mai 2018. Elle préparait les Beaux-Arts quand un professeur lui a proposé de suivre un atelier à la Comédie française avec des dessinateurs de Charlie. L’occasion rêvée de pouvoir montrer son travail. Comme celui-ci reçoit une bonne critique, elle ose solliciter un stage. Aujourd’hui, elle s’y épanouit pleinement, enthousiaste à l’idée de relever tous les défis en dessin. Quelques mots sur ton parcours ? J’ai passé mon enfance en région bordelaise, en nageant un peu hors du monde. À l’adolescence, je ne pense pas beaucoup à autre chose que la piscine et les garçons. Une fois le bac d’Arts appliqués en poche, j’ai hâte de prendre le chemin de mon indépendance, m’installer à Paris, ville des grandes écoles et porte d’entrée pour réaliser mes rêves de carrière professionnelle. Mes parents, tout deux psys, sont inscrits dans un engagement politique qui ne m’a jamais débordée dans le sens où ils ne me l’imposaient pas. Ils me disaient juste : fais marcher ton cerveau, c’est suffisant. Arrive le 7 janvier 2015, je le prends en pleine tête, j’ai dix-sept ans. Ce jour-là, il m’a fallu malheureusement rentrer dans une vie d’adulte, j’ai voulu […]

Édito : Pas des filles faciles dans ce numéro

Alors que j’apprenais la disparition de d’Anne Sylvestre, notre soeur Anne, je voulais entendre sa voix, pas seulement l’écouter chanter mais entendre réellement ses phrases, ses mots, ses silences. Je choisissais l’interview « sans concession » donnée ou plutôt offerte à Laure Adler lors d’une Heure bleue. Et la journaliste un rien badine et ironique, de féministe à féministe, de lui dire : « Vous ne devez pas être une fille facile ? » et Anne Sylvestre, donnant de la profondeur à sa voix, de lui répondre : « Je n’aurais pas fait ce métier et je serais morte depuis longtemps si je ne m’étais pas défendue. » Quelques jours plus tard, alors que je décidais de rendre un hommage mérité à Nelly Kaplan, réalisatrice du film culte La fiancée du pirate, j’écoutais de nombreuses interviews. Et, là encore, la réalisatrice rapportait les paroles de son père : « Tu ne peux pas continuer à vivre la vie que tu mènes… » et elle de continuer : « Je ne sais toujours pas quelle vie je menais mais il paraît que j’étais une révoltée. Il m’a dit : “ Ou tu changes ou tu t’en vas.” » Encore une fois une fille pas facile. Enfin, je croisais le destin de […]

Black et women empowerment par la pop culture

Enseignante, journaliste spécialisée dans le rock et la pop culture, enseignante de littérature à l’annexe française de l’université Columbia, Sophie Rosemont signe un livre qui fait date en France : Black Power, l’avènement de la pop culture noire américaine. Son dernier ouvrage Girls Rock avait donné un coup d’éclairage nécessaire et salutaire sur la place des femmes dans le rock. Elle revient avec Black Power, l’avènement de la pop culture noire américaine, un ouvrage documenté, universitaire, sur l’empowerment des artistes de la pop culture noire américaine et particulièrement des femmes. Entretien. Vous expliquez avoir commencé ce livre avant le meurtre de George Floyd, mais comment est-il né ? En fait, je m’intéresse à la pop culture depuis très longtemps en parallèle à mon travail sur le rock et notamment les femmes dans le rock. J’étudie et enseigne la littérature noire américaine avec des autrices comme Toni Morrison. Avec l’écriture de Girls rock, j’ai répertorié des artistes qui pouvaient rentrer dans une livre sur la pop culture noire américaine comme Rosetta Tharpe. Et puis, il y a quelques années, j’ai travaillé sur le black empowerment, me rendant compte qu’il se féminisait avec notamment des artistes comme Beyonce. Comment avez-vous travaillé ? […]

Et l’évolution créa la femme

La domination masculine est parfois présentée comme un fait naturel qui viendrait de notre évolution et/ou de notre famille : les primates. Qu’en est-il réellement ? Le paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France Pascal Picq tente de répondre dans son dernière ouvrage Et l’évolution créa la femme. Il y compare de façon inédite notre espèce à nos cousins les singes. Entretien. Dans la recherche sur l’origine des discriminations et de la coercition masculine, votre ouvrage est le premier à établir un comparatif avec nos cousins les primates. Comment l’expliquez-vous ? Nous sommes complètement bloqués sur l’idée que toutes les recherches sur notre espèce ne peuvent être axées que sur l’humain, nous n’avons pas à aller chercher ce qui se passe chez les singes et les grands singes pour comprendre notre espèce. Pour des raisons liées à notre culture en France, à notre postulat cartésien qui dirait que « l’homme n’a rien à voir avec les autres espèces », à notre dualisme entre l’homme et l’animal, entre l’inné et l’acquis, entre la culture et la nature, nous n’avons pas de grande école sur la primatologie et l’éthologie constituée, contrairement aux pays anglo-saxons et germanophones. Cela ne veut pas […]

Édito : 1 contre 7,7 millions

Je suis toujours méfiante à l’égard des personnes qui me disent qu’elles préfèrent « s’occuper des humains plutôt que des animaux parce qu’il y a tant de personnes et d’enfants malheureux… » Je suis d’autant plus méfiante que ces mêmes personnes n’ont majoritairement pas plus de respect pour les femmes, leurs droits, ou les enfants que pour leur chien, leur chienne. Je suis aujourd’hui persuadée que les violences sont un continuum plus vaste encore que ce que l’on avait imaginé. Celui qui dominera son « clébard » n’aura pas plus de scrupules à dresser son enfant, à dominer sa femme, par la seule légitimité que sa force physique le lui permet. Inversement, j’ai souvent expliqué aux enfants lors d’interventions que notre première responsabilité est de ne pas violenter celui qui est plus vulnérable que soi et pour quelque raison que ce soit. Comme le dit plus virilement que moi Spiderman, « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités ». Ainsi, au coeur de cette crise du coronavirus, une information présentée sous le prisme de la sécurité sanitaire n’a malheureusement occasionné aucune polémique. Le Danemark a exterminé 17 millions de visons dans un élevage pour fourrures, les a entassés à la […]

Famille, Église, sports… se libérer du groupe pour libérer sa parole

Prendre en compte les violences sexuelles nécessite de replacer la parole des victimes au coeur de toute action. L’enfant victime est aux prises de conflits de loyauté complexes, renforcés par la pression du groupe. François Devaux fondateur de l’association La parole libérée et Sébastien Boueilh, de l’association Colosse aux pieds d’argile témoignent par leurs parcours de la nécessité d’entendre, d’écouter les enfants coûte que coûte. L’enfance et l’adolescence sont des périodes de la vie où nous nous formons au contact de différents groupes qui organisent notre vie sociale. Groupes dans lesquels on entre, dont on se sent exclu.e parfois ou dont on rêve de faire partie. Dans ce tissage de sentiments très forts que procure le groupe, la parole des enfants n’est pas suffisamment prise en compte ou du moins entendue par les adultes. Elle n’est libre que si l’enfant éprouve de la confiance envers les adultes référents, mais également s’ils lui permettent de se faire suffisamment confiance sur ses ressentis, ses émotions positives et négatives. Infaillibles familles ? Cette libération est très compliquée dans la vie quotidienne, d’autant plus dans des milieux constitués et organisés que sont la famille, l’école, les clubs sportifs ou les institutions religieuses. La vie […]

Rosa Bursztein nous parle de sa chatte. Et alors ?

L’humoriste Rosa Bursztein aborde, sans se brider, le plaisir féminin. Son spectacle de stand-up se joue actuellement (hors confinement) au Point Virgule. Ses vannes dérangent. « J’ai couché avec un gars qui a refusé de me faire un câlin [NLDR pour lui dire au revoir]. Et ça, c’était avant la distanciation sociale. […] J’avais envie de lui dire, gars, je t’ai sucé si longtemps, fais-moi un câlin ! » En pyjama, chaussons et peignoir écossais, Rosa Bursztein plante le décor dès son entrée sur les planches du Point Virgule. Pendant une heure, l’humoriste de trente et un ans nous parle de sexualité, de féminisme, du déconfinement et surtout de plaisir féminin. Un propos encore tabou dans l’espace public. « Quand j’allais dans des plateaux de stand-up et que j’entendais des nanas dirent qu’elles simulaient, ça me paraissait tellement ringard », analyse-t-elle. « On n’est plus dans les années 50. C’est fou qu’on n’en parle pas plus ! » [NDLR du plaisir féminin]. En enchaînant les blagues, en se moquant d’elle-même, Rosa Bursztein démystifie le sujet, lui donne toute sa place : la première. Un choix éminemment politique lié à son évolution personnelle et probablement à celle de la société. « Dans le Mhiriporno, le rapport s’arrête avec […]

Édito : D’un côté un crayon, de l’autre le chaos…

« J’aimerais une harmonie un peu plus grande », disait Cabu ; lui, l’éternel « copain d’avant » à la coupe de playmobil qui a bercé mon enfance de ses dessins au Club Dorothée. Tout ce que voulait cet antimilitariste après avoir enduré, comme tous les jeunes hommes de son âge, 27 mois en Algérie, c’était un peu d’harmonie et de jazz… Et surtout qu’on arrête de produire des armes pour s’assurer de ne plus vivre de guerres. L’idée était, comme ses dessins, complexe à réaliser mais d’une évidente simplicité. D’un côté un crayon, de l’autre une kalachnikov et le chaos… Le procès des attentats de janvier 2015, celui contre nos camarades de Charlie Hebdo se déroule en ce mois de septembre et finalement les victimes continuent de ne pas être réellement reconnues comme telles. Il y a toujours un imbécile au fond de la classe pour expliquer que « Quand même ils n’y allaient pas avec le dos de la cuillère… », comprenez « Ils l’ont un peu cherché… » Leurs crayons continuent d’être pointés comme plus dangereux que les armes de poing qui les ont assassinés. Et les survivant.e.s de titrer : Tout ça pour ça ! Parce […]

« Le féminisme comme un universel » – Entretien avec Martine Storti

Militante féministe issue du MLF et ancienne journaliste à Libération, Martine Storti signe, dans son dernier essai sur le féminisme universel, une critique des entreprises de confusions, de brouillages et de détournement des mots. Quand l’antiféminisme se déguise (ou tente de se déguiser) en féminisme. Pourquoi écrire aujourd’hui un livre sur le féminisme universel ? N’est-ce pas déjà trop tard ? Il n’est jamais trop tard ! À travers cet essai, j’ai un triple objectif : questionner ce qui se donne actuellement pour une forme de radicalité, qui peut se dire aussi intersectionnalité, décolonialité ou afroféminisme, refuser l’instrumentalisation du féminisme par des courants – identitaire, nationaliste, raciste (racisme anti-noir, anti-arabe, anti-musulman, anti-immigrés…) – qui ont toujours été anti-féministes. Il s’agit enfin et surtout de plaider la cause d’un féminisme universel étouffé par des catéchismes concurrents mais qui heureusement continue de tracer son chemin. D’ailleurs, est-ce pour un féminisme universel ou universaliste ? Je ne reprends pas le terme « universaliste », il a été dévoyé, manipulé, rabattu sur l’identité nationale. Le féminisme universaliste est présenté comme une composante de la République française et même de l’identité française. Ce qui est paradoxal car ce qui relève de l’identité ne peut être […]

Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir – Deux combattantes unies pour la justice et la liberté des femmes

À vingt-trois ans, en 1949, Gisèle Halimi découvre, comme tant d’autres femmes de par le monde, Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir tout juste paru avec, écrit-elle, « un mélange d’émerveillement et de stupeur. Car c’était vraiment incroyable : un livre mettait des mots sur mon vécu, ma révolte initiale, mon indignation permanente concernant l’indépendance et l’humiliation des femmes. » Son féminisme n’avait été qu’intuitif et grâce à la lecture de cet essai, Gisèle Halimi allait se lancer dans cette grande aventure de la défense des droits des femmes, rejoignant ainsi Simone de Beauvoir, de dix-huit ans son aînée. C’est en 1958 qu’elle déjeune enfin avec Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre à La coupole. À compter de ce jour, les deux combattantes vont se croiser : « Elle était très fiable, vraie à tout moment ; et je savais désormais que je pouvais compter sur elle. » Cet engagement va se concentrer sur plusieurs enjeux politiques marquants du XXe siècle : la guerre d’Algérie, la guerre du Vietnam, le MLF en 1970. La lutte pour l’indépendance de l’Algérie, l’affaire Djamila Boupacha La guerre d’Algérie bat son plein, avec ses lots d’attentats, tant en métropole qu’en Algérie. Djamila Boupacha, […]