L’intention est aussi importante pour juger l’acte que l’acte lui-même. Les personnes qui « proposent » aux femmes de se baigner habillées pendant que leurs maris offrent leurs torses bronzés au soleil sont des intégristes, comme celles qui apprennent aux fillettes « la pudeur » pendant que leurs frères déjeunent sans tee-shirt à la table familiale. Fils et filles de l’inquisition, ils sont d’un autre âge, celui qui a vu brûler Jeanne d’Arc.
Dans ce pays, le clivage droite-gauche est devenu un mode de pensée qui semble exonérer les politiques de toute forme de réflexion et de proposition. Il n’y a pas un mot que j’exècre plus que le mot STIGMATISATION, ce mot déposé par les intégristes dans les bouches des intellectuel.le.s de la gauche radicale pour les paralyser ; ce mot qui, une fois prononcé, menace ceux qui en sont la cible de tous les « ismes », racisme, colonialisme, orientalisme…
Les arrêtés contre des femmes en burkini étaient une mauvaise réponse, une réponse parfois violente à une question simple et juste : peut-on accepter dans notre pays un objet incompatible avec les valeurs de la République, un vêtement politique qui rappelle aux femmes qu’elles doivent rester invisibles ? Un vêtement qui ne parle pas seulement à celles qui le portent mais à toutes les femmes en marquant la limite du pudique et de l’impudique. Et dire cela n’est pas une stigmatisation. La légitimité d’une question se détermine-t-elle au regard de celui qui la pose ?
Le burkini est un signe politique et le fait que mes ennemies de la droite extrême et de l’extrême droite l’attaquent ne va pas me le faire accepter. J’attends de la gauche une réponse politique à cette question politique et non religieuse. Ceux qui se contentent de crier à tort et à travers que combattre le burkini c’est combattre les musulmans n’ont-ils pas honte du contresens raciste qu’ils font ? Ont-ils conscience que l’Islam n’est pas l’islamisme ? Agissent-ils par bêtise, par paresse ou par peur… de passer pour des racistes et de… stigmatiser les musulmans ?
Je suis une femme. Je sais ce qu’est un burkini, c’est le bikini des femmes « pudiques ». C’est ce vêtement qui me rappelle que, si je joue les Femen, je suis une salope, ce bout de tissu qui me ramène à ma condition de soubrette, de mineure à vie, celui qui crie à la face du monde que même quand je veux quelque chose, un homme peut me dire de la fermer. C’est ce mouchoir de poche ridicule, cet étendard sans couleur, ce carré de papier prédécoupé enroulé sur lui-même dont je n’attends qu’une seule chose qu’il finisse dans le fond d’une cuvette de toilettes… emporté par le courant marin.
Carine Delahaie
Édito du numéro 157 de Clara magazine (septembre 2016)
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