« On croit que l’on protège mais on ne protège pas. » Ce cri lancé par Édouard Durand dans son dernier livre Défendre les enfants tente moins de dénoncer une situation déjà bien connue que d’ouvrir les yeux des professionnel.le.s de la Justice, dont les magistrats, sur la situation inquiétante des femmes, des enfants, victimes de violences et notamment de violences sexuelles.
Vingt ans après la première enquête ENVEFF en 2000 qui donnait les premiers chiffres des violences faites aux femmes, dont le fameux « 1 femmes sur 10 a connu ou connaît des violences » et « 50 000 femmes ont déclaré avoir été violées », la situation ne s’est guère améliorée. Aujourd’hui, elles sont 94 000 par an à le dire et l’on considère encore que ces chiffres sont en deçà de la réalité. Depuis 2018 et la vague salutaire de #MeToo, les chiffres n’ont pas régressé, ils ont même parfois augmenté. En effet, à l’heure où nous bouclons, le nombre de féminicides est plus important que l’année passée à la même date. Si la parole s’est réellement libérée, les femmes, elles, ne sont pas libérées des violences sexuelles et sexistes. En cause, le manque de prévention et l’impunité.
Pour que les faits régressent, nous ne cessons de le dire, il faut endiguer la culture du viol notamment dans les médias, les réseaux sociaux, les discours, les oeuvres, et particulièrement la musique, les films… Traiter les violences le plus tôt possible quand elles sont révélées dans l’entourage d’un.e enfant, c’est permettre de changer la vie des victimes et de faire évoluer durablement voire définitivement la société. Il est temps d’ouvrir des espaces de dialogue dans toutes les institutions de notre République.
Mais ce qu’il faut faire reculer, c’est l’impunité. Car, une fois de plus, les chiffres parlent d’eux-mêmes. 94 000 viols ont été dénoncés en 2021 par les victimes, seulement 12 % d’entre elles ont porté plainte. Ce chiffre est incroyablement bas, car ces dernières savent que seulement 1 % de ces plaintes aboutira à une condamnation. Et le chiffre qui montre le mieux l’acceptation sociale des violences sexuelles est celui des violences sexuelles sur mineur.e.s : 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année quand seulement 2 000 jugements de condamnation sont rendus.
Un pays qui ne punit pas est un pays qui ne sortira pas des violences.
Carine Delahaie
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