Sport féminin : les Français.e.s en veulent plus

Pour la première fois, la France va accueillir une Coupe du monde féminine de football en juin prochain. Le succès populaire est attendu, tout comme les exploits des coéquipières d’Amandine Henry. Et après ? Cet événement majeur pourra-t-il participer à augmenter la visibilité du sport pratiqué par des femmes ?

On le répète souvent : pour exister sur le plan médiatique, les athlètes féminines sont condamnées à enchaîner les exploits. Le sport pratiqué par des femmes ne représente que 17 % de l’offre sportive globale. Alors, seules les prouesses sont les bienvenues. Un contexte qui colle une sacrée pression aux Bleues. Au-delà de leur parcours sur ce Mondial, le développement de leur discipline pèse sur leurs épaules.

Sandrine Dusang, ex-internationale tricolore et journaliste pour le site spécialisé Foot d’Elles, donne son avis sur la question : « Je ne crois pas que le football pratiqué par des femmes sombrera dans l’anonymat si les Françaises venaient à échouer, considère-t-elle. Plutôt que l’on retombera dans quelque chose de plus lisse. Les performances des Lyonnaises et des Parisiennes sur la scène européenne permettront de conserver une certaine attractivité autour du football au féminin. »

Pour l’ancienne défenseuse centrale, l’enjeu est de pouvoir transformer l’essai, passée l’euphorie. « On sait qu’une compétition internationale suscite l’intérêt de tous et toutes, poursuit-elle. La Coupe du Monde remportée par les garçons en 2018 a donné envie à plein de petites filles. Derrière, il faut pouvoir les accueillir. Les clubs doivent ouvrir des sections féminines ou les villes accueillir de nouveaux clubs. Il y a un vrai problème du côté des infrastructures et selon les régions, cela peut être très compliqué. »

Les femmes sont l’avenir du sport

Comme plusieurs fédérations sportives, celle de football a compris que son développement passerait par les femmes. Depuis plusieurs années, le nombre de licencié.e.s tourne autour de deux millions de pratiquant.e.s. Sur la dernière décennie, les nouvelles venues ont permis de grossir les rangs. Depuis 2012 et le plan de féminisation mis en place par la Fédération française de football (FFF), le nombre de licenciées a été multiplié par deux. Elles étaient un peu plus de 80 000 sur la saison 2010-2011 et 169 000 en 2017-2018. L’objectif est d’atteindre les 200 000 licenciées en 2020.

Pour entretenir et favoriser l’accès de toutes au football, la FFF s’est dotée d’un plan « Héritage 2019 » pour « ancrer durablement la pratique féminine dans le paysage sportif français » au-delà de cet été. Ce programme veut agir sur la structuration des clubs, investir dans le domaine des infrastructures et cofinancer la formation des femmes pour qu’elles soient plus nombreuses à devenir entraîneure, arbitre, ou dirigeante. Une enveloppe de 14 millions d’euros a été dégagée pour l’application concrète de ce plan. Une somme rondelette qui laisse espérer le meilleur.

Alors la couverture médiatique de cette Coupe du monde et l’image des joueuses de Corinne Diacre ont leur importance. Pour la première fois, l’équipementier des Tricolores a conçu un maillot spécifique pour Wendy Renard et ses coéquipières. Pour la première fois, l’intégralité des matchs des Bleues, ainsi que 25 des 52 meilleures rencontres, seront diffusées en clair sur TF1. Les 27 autres seront disponibles uniquement sur Canal+. Cinq Téléfoot et des magazines les soirs de matchs seront proposés aux télespectateurs-trices. Bien connu des amateurs.trices de ballon rond, Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu assureront les commentaires lors des oppositions.

Largement moins payées que les hommes

Une couverture médiatique importante pour les Bleues qui s’inscrit dans un développement global de leur discipline. En novembre 2016, cinq joueuses de la Team USA menaçaient de faire grève pour dénoncer les inégalités de traitement dont elles étaient victimes. Malgré leur statut de triples championnes du monde et quadruples championnes olympiques, les Américaines dénonçaient une rémunération inférieure et une considération moindre que leurs homologues masculins. Après plusieurs mois de bataille, elles ont obtenu la revalorisation de leur rémunération et de leur indemnité lors des déplacements avec l’équipe nationale. En 2017, les Danoises, vice-championnes d’Europe en titre, avaient refusé de jouer un match qualificatif pour le Mondial. Elles reprochaient à leur fédération de ne pas leur faire d’« offre financière raisonnable » et revendiquaient la signature d’une convention collective. En Norvège, depuis 2018, la sélection féminine dispose de la même enveloppe que le collectif masculin qui a d’ailleurs consenti à une baisse de son propre budget pour parvenir à une égalité parfaite entre les deux formations (640 000 euros). Dans les clubs, les joueuses demeurent toutefois largement moins payées que les hommes.

Ada Hegerberg, premier ballon d’or féminin de l’histoire, refuse depuis 2017 d’endosser le maillot norvégien, regrettant un manque d’encadrement de sa fédération concernant le onze féminin.

Objectif podium pour les Bleues

Si cette Coupe du monde occupe les médias depuis quelque temps, c’est en partie la situation du football féminin qui est traitée plus que le pur aspect sportif de la compétition. « Je crois qu’il faut malheureusement en passer par là, reconnaît Sandrine Dusang. Le football féminin n’est pas suffisamment connu pour parler de suite de technique, des adversaires. Certains médias ne le connaissent tout simplement pas assez. C’est une première étape. Pendant la compétition, on se concentrera plus sur la technique et ce qu’on peut espérer des Bleues. » À savoir faire mieux que lors des précédents rendez-vous internationaux. « Elles n’ont jamais été au-delà d’une demi-finale. Il faut qu’elles fassent mieux, qu’elles soient sur le podium. À travers ce qu’on a vu sur les matchs amicaux, elles en ont les moyens. »

C’est tout ce qu’on leur souhaite. Car, à l’image du sacre européen des handballeuses françaises ou des exploits de la skieuse Perrine Laffont aux derniers championnats du monde, l’envie est forte de voir davantage de sport féminin. Selon une enquête Odoxa parue en février 2019, près de huit Français.e.s sur dix souhaitent voir davantage de sport féminin à la télévision. 63 % des personnes interrogées disent regarder du sport féminin à la télévision. Pour 88 % des sondés, le sport féminin n’est pas suffisamment médiatisé, alors qu’il est jugé aussi intéressant (83 %) et spectaculaire (73 %) que l’équivalent masculin.

Un décret à réviser

Mais pour l’heure, la retransmission des événements sportifs est régie par un décret de décembre 2004. Ce décret dresse la liste des 27 événements d’importance majeure qui doivent être retransmis en clair sur le petit écran et accessibles à tous et toutes. Sur cette liste, huit compétitions concernent les femmes et les hommes, comme les Jeux olympiques ou les finales de basket-ball et handball quand des Français.es y sont. Aucun événement n’est spécifique au sport féminin comme peut l’être le Paris-Roubaix pour les hommes.
Fin 2016, le sénateur David Assouline (PS), rédigeait un rapport sur le sujet. Le document révèle que seulement 5 % des heures de sport diffusées à la télévision française en 2015 le sont sur des chaînes gratuites. Sur ce maigre pourcentage, la diversité des disciplines est un véritable problème, le sport paralympique est presque invisible. « On ne peut pas dire d’un côté que le sport est fédérateur et, de l’autre, constater qu’il n’y a que les plus riches qui peuvent se le payer ! réagissait David Assouline. La philosophie générale est d’étendre la liste de tous les événements masculins déjà protégés à leurs équivalents féminins. Il serait par exemple totalement logique que tous les matchs de l’équipe de France féminine de football soient obligatoirement diffusés sur une chaîne en clair, à l’image de ceux des hommes. Tout ça va dans le sens de l’Histoire. »

Mejdaline Mhiri

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