« Qui ne dit mot consent… » Un vieil adage, une phrase qui vise surtout à protéger le droit des hommes à disposer des femmes en toute impunité. Pour sortir de cette confusion souvent criminelle, Catherine Le Magueresse, chercheuse, propose de préciser ce qu’est, ou devrait être, le « consentement sexuel ».
« Le consentement sexuel, c’est pas si simple… » Combien de fois avons-nous entendu cette remarque exprimant toute la confusion sur le sujet ? Confusion qui est d’ailleurs portée et entretenue par des représentations sociales misogynes que l’on nomme aussi la « culture du viol » et dont témoignent des phrases telles que « un non peut vouloir dire oui », « elle ne s’est pas débattue, n’a pas crié etc. donc elle était d’accord »…
Quand une femme dit non, c’est non
L’une des revendications des féministes des années 70, « Quand une femme dit non, c’est non », n’est toujours pas acquise. Il n’est en effet pas rare d’entendre que le « non » exprimé serait, au contraire, une invitation à continuer – une sorte de défi lancé –, que le refus serait formel, ou que « les filles bien ne disent pas “oui” mais le pensent ». Ces propos nient la liberté des femmes de choisir avec qui, à quel moment et dans quelles conditions elles veulent s’engager (ou non) dans une activité sexuelle.
Ce droit de refuser des relations sexuelles a d’ailleurs longtemps été interdit au sein des couples. En effet, jusqu’à la loi du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol, le viol entre époux n’était légalement pas répréhensible si la relation sexuelle forcée relevait des « prévisions du mariage », c’est-à-dire une pénétration vaginale. Certain.e.s pensent d’ailleurs que ce « devoir conjugal » existe toujours. Détrompons-les : le viol entre époux est illégal depuis 40 ans.
Ce « non » à une activité sexuelle, exprimé verbalement ou physiquement, a une conséquence en droit : il permet de distinguer entre le crime de viol et une relation sexuelle, entre le délit d’agression sexuelle et des caresses (sur les zones intimes). La présence d’un consentement fait disparaître l’infraction. C’est la raison pour laquelle la principale défense des agresseurs est d’alléguer le consentement de la plaignante. Cette stratégie échouera si il a eu recours à l’un des procédés énumérés par le Code pénal : violence (autre que celle inhérente au viol), contrainte, menace ou surprise.
Le Code pénal est muet
« Le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale ou de tout autre moyen de contrainte ou de surprise employé par l’auteur » (Cour de cassation). La question du consentement devrait logiquement être centrale pour définir les infractions de violences sexuelles. « Devrait » car le terme est absent des dispositions du Code pénal. Ni l’article 222-22 inaugurant la section III intitulée « Des agressions sexuelles », ni les incriminations relatives au viol et aux « autres agressions sexuelles », ne définissent ce qu’est le consentement. Ainsi, est un viol « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise […] » (art. 222-23 C. pén.).
Si le Code est muet sur ce point, c’est parce que les dispositions pénales – qui s’appliquent aux personnes majeures comme mineures – reposent sur une présomption de consentement tacite de chacun·e à une activité sexuelle ; autrement dit, nous serions a priori d’accord pour nous engager dans une activité sexuelle. Cette présomption s’efface lorsqu’il est établi que l’agresseur a eu recours à l’un des quatre procédés interdits. Car si l’agresseur a eu besoin de recourir à de la « violence, contrainte, menace ou surprise » pour « commettre » un acte de pénétration sexuelle, c’est donc que la victime n’était pas en état de consentir (car endormie ou inconsciente par exemple), ou pas consentante et il fallait alors vaincre son refus voire, disent certains jugements, sa « résistance ».
A contrario, l’absence de recours à l’un de ces procédés indiquerait le « consentement ». Ce qui est faux : dans certaines situations, les victimes sont dans l’incapacité de dire « non » et l’on sait que l’absence de « non » n’indique pas pour autant un consentement, que céder n’est pas consentir, qu’il faut pouvoir s’affranchir de rapports de pouvoir, ne pas être exposé.e à des représailles… Ce sont en fait les personnes les plus fragiles – mineures, sans papier, précaires, en situation de handicap… –, les plus susceptibles de « céder », qui sont les moins protégées car, contre elles, l’agresseur n’a pas besoin d’exercer de « violence, contrainte, menace ou surprise », il a juste à exploiter leur vulnérabilité. L’impunité lui est garantie s’il ne recoure pas à ces moyens de coercition, ou n’exerce « que » des pressions, d’une gravité jugée insuffisante pour engager sa responsabilité pénale. C’est pourquoi il est urgent de passer à une présomption de non consentement.
Sans « oui », c’est « non »
Poser une présomption de non consentement à l’activité sexuelle oblige la personne qui l’initie à s’assurer du consentement de l’autre, de son « oui », ce qui suppose de définir les caractéristiques du « oui ». En effet, le consentement peut être l’expression d’un désir matérialisé par des gestes ou des propos qui l’extériorisent, le rendent vérifiable mais il peut aussi être, dans un contexte de coercition, l’expression d’une reddition, d’une soumission.
La règle de droit doit donc définir quelles sont les qualités nécessaires d’un consentement à une activité sexuelle. D’autres institutions ou pays l’ont fait. Selon, par exemple, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe (ratifiée par la France) : « Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes » (art. 36. 2).
Catherine Le Magueresse
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