Depuis la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, la France ne reconnaît pas la prostitution comme un métier mais bien comme une violence faites aux personnes prostituées, en majorité des femmes et des enfants. Contrairement aux pays dits réglementaristes comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, on ne peut parler de travail en ce qui concerne la traite et l’exploitation de la prostitution au sens de l’Organisation internationale du travail.
Si le rapport de force a permis en 2016 d’obtenir cette loi qui range la France dans le camp des pays abolitionnistes, tels que la Suède, et si la bataille a été gagnée après un débat parlementaire houleux, rien n’est acquis en matière de droit des femmes. Ainsi, le camp des trafiquants déploie des moyens parfois hors de portée des abolitionnistes en termes de lobbying pour faire avancer le trafic humain si lucratif pour le crime organisé mondial.
Cette guerre des idées est aussi une guerre des mots. Il est regrettable que la France concède du terrain au camp des trafiquants en réemployant son vocabulaire à l’occasion des campagnes contre le « monkeypox », comprenez la variole du singe. Ainsi, pour une campagne sur le numéro vert pour les centres de vaccination, le gouvernement et la mairie de Paris se sont dotés d’une affiche en direction des « hommes gay ou bi, les personnes trans multipartenaires ou travailleurs.euses du sexe… » Il est tout d’abord dommage, une fois de plus, de stigmatiser les personnes LGBTQIA+ en les assimilant forcément au système prostitutionnel, mais il est encore plus grave, de la part du gouvernement et de la capitale, de diffuser une affiche dans laquelle on reconnaît la prostitution comme un travail. Le diable se niche dans les détails.
Carine Delahaie
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