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« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne… »
Quelques mois plus tôt, le meurtre de la jeune Sohane Benziane était plus lisible, vu des beaux quartiers et des plateaux de télé par ces journalistes qui ne descendent jamais en périphérie. Une jeune femme libre était brulée vive dans un local poubelles dans un quartier de Vitry-sur-Seine, un de ces quartiers décriés, dégradés, la cité Balzac. L’histoire d’un garçon mal éduqué, un caïd de banlieue, paumé, violent comme sa cité…
Mais cette fois, il s’agissait de Marie Trintignant, une actrice connue, la fille d’un très grand acteur, sur le tournage d’un téléfilm sur Colette réalisé par sa mère, Nadine Trintignant… Vous étiez deux femmes libres, vous avez porté sur vos ailes se déployant les espoirs de toute une génération de féministes qui se sont construites dans le sillage de vos vies trop vite arrachées. La France a ouvert les yeux sur une réalité qui touchait tant de femmes jusqu’à vous. Mais ensemble, sans même vous connaître, vous avez fait bouger les politiques, éveillé les consciences. Vous nous avez tant donné que nous vous sommes à jamais reconnaissantes pour votre courage d’avoir voulu être vous.
Quand un soir, dans un théâtre parisien, j’ai entendu Jean-Louis Trintignant, déjà aveugle, réciter une lettre d’Hugo à sa fille disparue… J’ai vu dans le noir la silhouette du vieux poète aux cheveux décoiffés et juste derrière le regard de Chérif Benziane, ton père Sohane… Apparition réconfortante de ces hommes qui vous avaient vraiment aimées, qui demeuraient fiers de leur fille, de votre courage, celui d’avoir été justement vous.
« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends… »*
Carine Delahaie
- Victor Hugo, extrait du recueil Les Contemplations (1856).
Informations complémentaires
Poids | 122 g |
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