Gestation pour autrui ? Ce que l’on prend, ce que l’on donne
La GPA est une question très ancienne. Déjà Abraham, patriarche des trois religions monothéistes, se lamente de ne pas pouvoir concevoir d’enfant avec son épouse Sarah. Elle propose alors à Abraham de faire un enfant avec sa servante Agar, qui donne naissance à Ismaël. Une grossesse pour Abraham, pour qu’il ait un enfant, est rendue possible seulement parce qu’il dispose du pouvoir symbolique et financier d’obtenir cet enfant. Le consentement de la servante Agar est-il possible ? Marie ne porta-t-elle pas l’enfant pour Dieu, pour les « Hommes », sans même donner son avis, inscrivant de fait la gestation pour autrui dans notre inconscient collectif comme une possibilité. L’histoire se décline à travers les siècles avec plus ou moins de mystère. Comment devenir parent quand on ne peut pas faire un enfant ? Pour des raisons économiques, notamment liées à l’héritage, sociales ou affectives, avoir (ou pas) une descendance cristallise des enjeux intemporels. La gestation pour autrui, ou GPA, n’est pas un phénomène récent, sa dénomination l’est. Un enfant d’une famille nombreuse donné en adoption à un frère ou une soeur adulte sans enfant, comme dans le film Intouchables*, n’est-ce pas une GPA ? Margaret Artwood imagine, dans sa Servante écarlate, un univers où les femmes subissent des viols et des grossesses forcées pour donner une progéniture à une élite fortunée. La GPA est-elle un don intime pour permettre à d’autres de devenir parents, une exploitation sans vergogne du corps des femmes au nom du capitalisme, la confrontation de visions étriquées et stigmatisantes de la parentalité ? Elle soulève, de toute façon, plusieurs questions éthiques fondamentales : que peut-on réellement prendre d’autrui pour soi-même ? Que peut-on librement donner de soi ? La GPA est-elle le fruit d’un don ou d’un accaparement ? La société capitaliste et patriarcale dans laquelle nous vivons ancre ces questions dans des réalités souvent sordides de rapports de domination que l’on ne peut pas exclure de notre réflexion. Clara-magazine vous propose un dossier pour y réfléchir et en débattre ensemble : les bonnes questions à se poser, un regard du côté des cliniques et de l’argent, une analyse de la législation européenne et une ouverture sur l’Inde avec Kuljit Kaur, de l’association All women’s conference India.
Gwendoline Coipeault
Commandez le numéro 173 (mai 2019) de Clara magazine et découvrez tous nos autres articles.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.