Polanski, Besson, Allen… Matzneff, les « affaires » se succèdent, se ressemblent. D’aucun.e.s s’y intéressent comme si elles venaient de surgir et de nous être révélées. Et, bien vite la vérité du net, ce mouchard auquel rien n’échappe, nous rappelle que ces affaires sont connues depuis au mieux des années, au pire des décennies. Et voici que s’avance le bal des « faux culs » et ses « c’était une autre époque… » Comme si les violences sexuelles étaient plus acceptables il y a trente ans qu’aujourd’hui. Et d’autres posant cette question : « Pourquoi l’affaire sort aujourd’hui ? » Ce qui est faux, dans la majorité des cas tout le monde savait.
Il serait plus intéressant de se demander ce que le silence dit de nous quand les mots s’ajoutent aux mots jusqu’à en perdre leur sens. Nos silences parlent pour nous, disent nos lâchetés, nos peurs, nos ombres quand les mots eux ne révèlent que l’évidence. Tout ce qu’il y a à savoir sur ces crimes est connu mais cadenassé par nos silences. La preuve par trois : pour comprendre que les faits étaient connus, Il faut revoir cet extrait d’Apostrophes de 1990 dans lequel Bernard Pivot interroge sans gène Matzneff sur « sa spécialisation dans les lycéennes et les minettes » face à l’acharnement de Denise Bombardier à dénoncer la pédophilie, trente ans avant le livre, ô combien courageux, de Vanessa Springora, Le consentement. Il faut lire le livre de Malka Marcovich, L’autre héritage de 68 : la face cachée de la révolution sexuelle, qui analyse comment ces viols ont été justifiés intellectuellement par les élites de gauche. Enfin, il faut lire Les faire taire de Ronan Farrow, qui révèle comment le système implacable des médias participe à réduire les victimes au silence. Tout est dit…
Alors qu’est-ce que ce silence dit de nous ? Que nous avons été et que nous sommes toujours extrêmement tolérants quant aux viols sur mineur.e.s. Ce que disent nos silences est que nous sommes coupables.
Carine Delahaie
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