Ceija Stojka, rom autrichienne, a été déportée et devient artiste peintre après son retour des camps. Son oeuvre, marquée par le traumatisme de l’expérience concentrationnaire, est un témoignage de l’horreur de celle-ci et de la résilience. Deux expositions, deux ouvrages et un documentaire l’ont mise à l’honneur en 2018.
2018 aura été l’année Ceija Stojka. La Maison rouge a en effet accueilli au printemps dernier une première exposition de l’oeuvre de l’artiste rom autrichienne avec près de cent-cinquante de ses peintures ou dessins rassemblés. Un hommage à la hauteur de la vie hors du commun de l’artiste encore méconnue. Ceika Stojka est née en 1933. Déportée à l’âge de dix ans avec sa mère, ses frères et soeurs, elle survit à trois camps de concentration (Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen). Elle est libérée en 1944.
L’art et la mémoire
La mémoire de la déportation est un chemin qui la mène, quarante ans plus tard, à raconter par l’écriture poétique ce qu’elle a subi. Ses poèmes sont pour la première fois rassemblés, traduits en français et publiés en 2018 sous le titre Auschwitz est mon manteau et autres chants tziganes 1. Par la suite, son art s’exprime aussi par le dessin et la peinture qu’elle travaille en autodidacte. Elle écrit : « Si le monde ne change pas maintenant (…), n’ouvre pas ses portes et fenêtres, s’il ne construit pas la paix – une paix véritable – de sorte que mes arrière-petits-enfants aient une chance de vivre dans ce monde, alors je suis incapable d’expliquer pourquoi j’ai survécu aux camps. »
La vie d’avant, la vie d’après
L’exposition de la Maison rouge s’ouvrait sur un portrait de l’artiste, assise. Sur son avant-bras, son matricule de déportée, trace visible de sa déportation. L’oeuvre de Ceija Stojka est divisée en deux époques. Ses représentations de « la vie avant » évoquent sa famille de marchands de chevaux, originaires de Hongrie mais vivant en Autriche depuis plusieurs siècles. Elle peint et dessine sa vie dans la roulotte, au milieu des champs. La famille est au complet, la scène pleine de lumière. Puis vient l’horreur des camps, les feux de cheminée où les corbeaux tournent, les barbelés, les bottes surdimensionnées des SS, les chiens qui accompagnent les tortionnaires. De camp en camp, Ceija Stojka restitue dans son oeuvre le froid, la faim et la peur.
(Re)découvrir Ceija
Le catalogue de l’exposition de la Maison rouge, publié sous le titre Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle 2, permet de découvrir ses oeuvres picturales. Le festival féministe Femmes en résistance diffusera le 30 septembre prochain le documentaire de Karine Berger, Sous les planches l’herbe est plus verte 3, qui porte sur la vie de Ceija Stojka, de sa déportation à ses tableaux. L’occasion de
(re)découvrir le parcours hors du commun d’une artiste exceptionnelle.
Samia Messaoudi
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