Affaire J.K. Rowling : le fond et la forme

Le 7 juin dernier, l’autrice de la saga Harry Potter J.K. Rowling publiait une série de tweets dans lesquels elle réaffirmait l’impact du sexe biologique sur nos vies. Suite à ces propos, l’autrice a subi une campagne de harcèlement révélatrice de la violence des débats autour des notions de sexe et de genre.

Au commencement, il était un fait : nous naissons toutes et tous avec des chromosomes. Ces chromosomes fonctionnent comme un code qui décrit en partie qui nous sommes, en déterminant notre apparence physique, en révélant parfois la présence d’une maladie ou d’un trouble. Le code de notre apparence physique inclut celui de nos organes génitaux : dans la large majorité des cas, ils sont de deux natures (masculin ou féminin) bien qu’il existe des manifestations différentes de ce code (notamment pour les personnes intersexes). Là où les choses se compliquent, c’est que ces codes biologiques ont été associés à des comportements sociaux : le genre.

Le sexe et le genre

Le genre est une construction sociale : rien ne prédispose les filles ou les garçons à être plus ou moins intéressé.e.s par les voitures, les poupons, à faire preuve de compassion ou de courage. La façon dont la famille, l’école, et la société dans son ensemble transmettent et renforcent des comportements différents pour les garçons et les filles est ce que l’on appelle la construction sociale du genre. Elle n’est ni immuable ni inévitable.

Le sexe biologique, lui, présente des caractéristiques plus difficilement altérables : si les organes génitaux peuvent subir des transformations choisies (comme pour les personnes trans qui font ce choix) ou subies (l’excision), la réalité biologique, chromosomique, du sexe n’est pas pour autant altérée. Elle a des conséquences particulières sur la santé (certaines maladies affectent différemment les femmes et les hommes).

Les droits et l’activisme

Notre société doit offrir à chaque personne la garantie du respect de ses droits fondamentaux, y compris le droit à vivre dans la dignité. Pour les personnes trans (c’est-à-dire dont le genre et le sexe biologique ne correspondent pas), le respect de ces droits passe par une reconnaissance de leur identité de genre. Une frange minoritaire parmi les personnes trans exprime toutefois d’autres revendications, en particulier une transformation importante du langage : en premier lieu, la définition du mot femme lui-même. Faut-il dire « personnes qui menstruent » au lieu de « femmes » ? Ce à quoi s’opposait J.K. Rowling.

Qu’est-ce qui fait que l’on est une femme, un homme ? Est-ce la réalité biologique, l’expression de genre, encore autre chose ? Pour J.K. Rowling, cette définition doit prendre en compte la réalité biologique : la très grande majorité des femmes ont leurs règles, 10 % d’entre elles souffrent d’endométriose et surtout elles sont, partout dans le monde, discriminées, violentées et marginalisées. Ces discriminations sont basées sur la réalité biologique de leur sexe, indépendamment de la façon dont elles se perçoivent. J.K. Rowling a rappelé la nécessité d’espaces non-mixtes, en particulier pour les femmes victimes de violences, comme elle.

Pour avoir tenu ces propos, elle a subi une campagne de harcèlement d’une extrême violence : menaces de mort, de viol, insultes (TERF, ce qui signifie féministe radicale excluant les personnes trans de ses luttes et qui est utilisé comme une injure), publication par un tabloïd anglais du témoignage de son ex-compagnon violent… L’objectif était sans ambigüité : la punir de ses mots, et la faire taire.

Parlons de sexe, parlons de genre

Si un mot, une idée devient si tabou qu’on ne peut pas en débattre sans menacer de mort ceux ou celles qui l’expriment, cela doit remettre en cause profondément notre rapport à la démocratie. Ce n’est pas parce que l’on pense profondément que l’on a raison qu’on a le droit de menacer de mort ou de viol une personne qui n’est pas d’accord. J.K. Rowling a rappelé clairement qu’elle soutenait sans ambigüité les personnes trans, elle n’a aucunement appelé à la violence.

Si nous ne pouvons pas parler de transactivisme, de ce qu’est – et n’est pas – être une femme, si tout débat est impossible, alors le féminisme (une remise en cause profonde de l’ordre établi) sera récupéré par une forme de fascisme qui se donne bonne conscience. Notons par ailleurs que les espaces masculins ne sont jamais questionnés de la même façon que les espaces féminins, y compris par les transactivistes. À qui profite le crime ?

Gwendoline Coipeault

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