L’humoriste Rosa Bursztein aborde, sans se brider, le plaisir féminin. Son spectacle de stand-up se joue actuellement (hors confinement) au Point Virgule. Ses vannes dérangent.
« J’ai couché avec un gars qui a refusé de me faire un câlin [NLDR pour lui dire au revoir]. Et ça, c’était avant la distanciation sociale. […] J’avais envie de lui dire, gars, je t’ai sucé si longtemps, fais-moi un câlin ! » En pyjama, chaussons et peignoir écossais, Rosa Bursztein plante le décor dès son entrée sur les planches du Point Virgule. Pendant une heure, l’humoriste de trente et un ans nous parle de sexualité, de féminisme, du déconfinement et surtout de plaisir féminin. Un propos encore tabou dans l’espace public. « Quand j’allais dans des plateaux de stand-up et que j’entendais des nanas dirent qu’elles simulaient, ça me paraissait tellement ringard », analyse-t-elle. « On n’est plus dans les années 50. C’est fou qu’on n’en parle pas plus ! » [NDLR du plaisir féminin].
En enchaînant les blagues, en se moquant d’elle-même, Rosa Bursztein démystifie le sujet, lui donne toute sa place : la première. Un choix éminemment politique lié à son évolution personnelle et probablement à celle de la société. « Dans le Mhiriporno, le rapport s’arrête avec l’éjaculation masculine, tout comme au cinéma », constate l’actrice dont c’est le troisième spectacle de stand-up. « J’ai compris tout cela tardivement. Je pense que j’ai été beaucoup plus éduquée dans l’idée de donner du plaisir aux hommes, plutôt que de chercher le mien. Pour donner du plaisir, il faut sucer, il faut faire-ci, faire-ça. Arrivée à la trentaine, il y a eu quelque chose de beaucoup plus radical en moi. Tout d’un coup, je refusais de ne pas avoir eu d’orgasme avec un coup d’un soir. »
Comparée à Blanche Gardin
Formée à la classe libre du cours Florent, apparue à de nombreuses reprises au théâtre et au cinéma, Rosa Bursztein a donné à sa carrière une toute autre orientation en investissant le stand-up il y a trois ans. Un genre où elle se rapproche enfin de son public. « En tant que femme, cela m’a beaucoup changée », partage la comédienne éprise de liberté. Même si les retours acerbes surviennent. « Je viens d’un milieu de gauche, du cinéma et des écoles de théâtre. J’ai été entourée de personnes libérées sur le plan sexuel. Le milieu de l’humour n’est pas comme ça. »
Celle qui est comparée à l’occasion à Blanche Gardin est bien décidée à dire exactement ce qu’elle veut. Quitte à ce que cela irrite. « Il y a des femmes qui sont choquées parce que j’utilise un lexique humoristique qui appartient aux hommes. D’autres me disent que si j’étais vraiment féministe, je ne parlerais pas de mes complexes. D’autres, que je devrais être en talons et maquillée sur scène. » Issue d’une famille de tradition juive, Rosa Bursztein raille cette religion comme elle se gausse de tout le reste. « Sur les juifs, il y a une crispation insupportable. Des gens de ma famille m’ont dit que je ne pouvais pas rire de la Shoah. »
Très présente sur les réseaux sociaux, hyperactive de la vanne et du dialogue, Rosa Bursztein enregistre également un podcast nommé Les mecs que je veux ken, c’est-à-dire « avec qui j’aimerais coucher ». Elle invite des humoristes masculins à son micro et commence par leur déclamer un texte. « À la base, ce projet est parti d’une blague », se remémore-t-elle en souriant. « On m’a encouragée en me disant que c’était original de placer mon désir au premier plan. J’ai toujours envié aux écrivains d’écrire des lettres aux femmes. Je me suis dit : maintenant c’est moi qui écris des poèmes et qui vais être le chevalier ! »
Mejdaline Mhiriporno
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