Il y a cent ans, l’armistice de la première guerre mondiale était signé le 11 novembre 1918 à Rethondes. Comme tous les grands moments de l’Histoire, celui-ci s’est écrit en rendant invisibles les femmes. Et pourtant… À y regarder de plus près, elles n’ont pas été absentes, ni sur le front, ni sur les départements de l’arrière, ni dans leurs villes, ni dans les campagnes.
Que n’a-t-on raconté sur les femmes et la guerre de 14 ? On aime à expliquer que la guerre a marqué le début du travail des femmes, ce qui est faux. Les femmes travaillaient déjà et depuis toujours notamment dans les champs, les fermes, les entreprises et usines familiales. Il a juste été (enfin) obligatoire de les payer pour occuper les places laissées vacantes par leurs maris, leurs frères, leurs fils, en plus du travail quotidien qu’elles ont continué d’effectuer. Alors que le 7 août 1914, René Viviani, Président du Conseil, appelait les femmes à se mobiliser pour maintenir la production et l’approvisionnement des populations, l’État, et ce depuis cent ans, n’aura jamais officiellement rendu hommage à ces mêmes femmes pour service rendus à la France, ni en discours, ni en actes, ni en pécules. C’était comme normal, comme un dû…
Quant à celles qui sont allées jusqu’au front, infirmières, radiologues, auxiliaires militaires ou civiles, qui souvent sont mortes pendant la guerre ou après 1918 des conséquences de celle-ci, elles ne sont donc définitivement pas « mortes pour la France ». Mais alors, pour qui sont-elles mortes si ce n’est pour leur patrie ?
Une fois de plus, la société refuse aux femmes le droit de mourir pour une grande cause. Ces femmes seraient mortes en bonnes « dames catéchèse » parce qu’elles avaient à cœur de prendre soin des hommes. Leur place est toujours dans la famille, dans le lien affectif.
600 000 d’entres elles finirent la guerre veuves et en charge des 986 000 orphelin.e.s pupilles de la nation, souvent en difficultés financières et mises sous tutelle des familles, puis clairement incitées à se remarier avec un frère ou un cousin du défunt, double, triple peine…
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », l’expression n’a jamais été aussi bien incarnée que lors de ce centenaire. À quand, dans ce pays, une politique mémorielle véritablement féministe ?
Carine Delahaie
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