Au moment de jeter ce dernier coup d’oeil sur votre magazine alors qu’il n’existe pas encore au-delà du virtuel sur mon écran d’ordinateur, je me rends compte que vous y découvrirez cet été, une fois de plus, le pire mais aussi le meilleur. C’est une exigence de l’équipe de tenir les deux en équilibre. Le monde dans lequel nous vivons continue de nous meurtrir mais il enfante chaque matin le meilleur de lui-même, une génération de jeunes gens, garçons et filles, qui abordent leur vie avec un nouveau regard, de nouvelles envies.
Que de temps parcouru depuis le procès des violeurs d’Anne Tonglet et de sa compagne Araceli Castellano défendues par Gisèle Halimi. L’affaire, jugée en 1978, avait contribué à requalifier le viol en tant que crime et non plus comme délit. Difficile d’accepter
qu’aujourd’hui des milliers de jeunes filles continuent de se battre pour « prouver » leur non consentement lors du viol qu’elles ont subi.
Mais un vent d’espoir pourrait bien tourner les pages du magazine et vous y croiserez, qui sait, le regard de Cate Blanchett et d’Asia Argento qui auront largement contribué à faire de 2018, une année charnière en faisant entrer à Cannes un souffle de féminisme. Puis celui d’Aïssa Maïga et Firmine Richard, actrices noires à l’initiative du livre Noire n’est pas mon métier. Enfin, Eddy de Pretto entre en scène avec un tube, Kid, qui sonne comme un manifeste : « Tu seras viril mon kid / Loin de toi ces finesses tactiques / Toutes ces femmes origines qui féminisent vos guises / Sous prétexte d’être le messie fidèle de ce cher modèle archaïque / Tu seras viril mon kid / Tu tiendras, dans tes mains, l’héritage iconique d’Apollon / Et comme tous les garçons, tu courras de ballons en champion / Et deviendras mon petit héro historique / Virilité abusive… »
Des paroles porteuses d’une nouvelle conscience de classe, une conscience de classe et de genre annonçant les prémices d’une révolution, des paroles reprises dans tous les festivals d’été par une jeunesse qui souhaite sincèrement devenir la première génération non sexiste. Car toutes ces violences sexistes et sexuelles que nous constatons puis que nous combattons ont toutes la même source au-delà du temps et de l’espace : la culture du viol, un des piliers du patriarcat ancestral. Par leurs actions et leurs œuvres, chacun, chacune, dans leur domaine, créent un espace mental qui, par l’énergie dégagée, devient un espace physique, un espace refuge où un autre demain est possible.
Carine Delahaie
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