Anne-Flore Marxer est une femme d’exploits. Vice-championne du monde 2016 et 2017, championne du monde en 2011 de snowboard freeride et résolument féministe. Elle partage avec nous ses espoirs d’un sport débarrassé des stéréotypes sexistes.
Anne-Flore Marxer n’a aucune réticence à se définir comme féministe : « Je ne vois pas qui ça peut ne pas intéresser, le féminisme », et pour cause. Mi-janvier dernier, poitrine nue et bâillonnée, elle interpelle le monde du sport dans une double page du journal L’Équipe : « Sommes-nous réduites à une paire de seins ? »
Pour comprendre le contexte de son action, il faut revenir au passionnant portrait qui lui est consacré sur le site Neuf Dixième par la journaliste Patricia Oudit. Son objectif est simple : rendre leur voix aux sportives et s’opposer à la sexualisation de leurs corps. « J’ai reçu énormément de messages de soutien de sportives d’autres sports qui subissent elles aussi cette sexualisation et se sont reconnues dans mes paroles. » Cette libération concerne d’autres disciplines : « L’été dernier, des championnes de stand up paddle se sont manifestées lors d’un évènement très important duquel seuls les hommes étaient conviés. Elles ont posé sur leurs réseaux sociaux avec un signe qui disait “I paddle for equality” » (« Je rame pour l’égalité »).
Les moyens du sport
Dans les médias, la représentation des sportives a un impact direct sur leurs droits et leurs carrières. L’égalité dans la rémunération est indissociable de l’évolution des mentalités. En sport, l’argent vient en grande partie des sponsors. « Financièrement, c’est de plus en plus difficile mais jusque-là j’ai encore la chance d’avoir des sponsors qui me soutiennent. J’entends souvent des hommes me parler de la différence de niveau entre les femmes et les hommes dans mon sport. Mais si l’on veut en parler, il faut partir de la différence d’investissement financier qui conduit à la progression ! Dans mon sport en particulier, qui se pratique en hiver, il faut avoir les moyens de se déplacer pour s’entraîner toute l’année. Bien sûr, on peut monter en haut de la montagne à pied – ce qu’on fait d’ailleurs en compétition – mais ceux qui auront eu l’occasion d’utiliser des hélicoptères pour arriver en haut des montagnes, de voyager pour pratiquer des pistes différentes progresseront bien plus vite. Les billets d’avion ne sont pas moins chers pour les femmes ! Le sport féminin est retenu vers le bas par manque d’investissement. »
Faire évoluer les mentalités
Ce défaut d’investissement est révélateur de stéréotypes persistants sur la place des femmes dans le sport, encore souvent considérées comme des usurpatrices. « Dans mon sport, en freeride, les organisateurs des compétitions décident du nombre de participant.e.s, en limitant toujours le nombre de femmes pour justifier les différences de salaires. » Alors Anne-Flore Marxer s’engage pour faire bouger les lignes. « J’ai participé à des compétitions avec des hommes, certaines où j’étais sur le podium. Un autre exemple : les débuts de l’European Open, une des compétitions sportives les plus importantes. Il y avait des femmes en half pipe mais pas en slopestyle à l’époque, ma discipline, considérée trop dangereuse pour les femmes ! J’ai lancé des pétitions, j’en ai parlé dans des articles, j’ai participé à de grosses réunions pour organiser notre sport. » Elle avoue d’ailleurs : « La compétition ne m’intéresse pas. J’ai fait les derniers tours pour avoir une plateforme pour m’exprimer et faire changer les choses. C’est ce qui s’est passé ! »
Propos recueillis par Gwendoline Coipeault
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