Denis Mukwege, médecin gynécologue, Prix Nobel de la paix 2018, était l’invité le 14 octobre 2021 de la journaliste Laure Adler dans sa mythique émission L’heure bleue. L’occasion de revenir, entre autres, sur l’approche holistique qui s’est imposée à lui dans sa pratique à l’hôpital de Panzi et dans les centres qui en dépendent, La maison Dorcas et La Cité de la joie. Extrait.
« Nous sommes arrivés à la prise en charge holistique des femmes victimes de violences sexuelles parce que nous étions confrontés à un véritable problème depuis l’ouverture de l’hôpital de Panzi en 1999. Une femme qui vient avec des blessures au niveau de l’appareil génital, elle est incontinente et lorsqu’on fait une bonne chirurgie, elle retourne à la selle normalement. […] Comme médecin on est vraiment satisfait, on a fait un travail vraiment formidable. Mais ce qu’on a découvert c’est que ce traitement réservé à ces femmes n’était tout simplement qu’une toute petite partie de ce qu’il faut faire quand une femme a subi un viol avec extrêmes violences. Par exemple, cette femme se retrouve seule, elle avait cinq enfants et ils ont été assassinés en sa présence et souvent son mari aussi. […] Lorsqu’on traitait ces femmes jusqu’en 2002, on se rendait compte que le traitement médical et chirurgical ne suffisait pas pour que ces femmes retrouvent la santé et une vie normale. Elles avaient des douleurs physiques alors que sur le plan médical elles n’avaient rien. On s’est rendu compte qu’il fallait des psychologues. Et l’arrivée de ces psychologues était importante pour moi aussi. C’était tellement dur de les écouter. […] L’impact sur moi était très fort, sur mon travail et ma famille. La solution a été de prendre des psychologues et les femmes ont commencé à mieux s’accepter. Elles étaient mieux physiquement et aussi mentalement. Elles pleuraient moins et commençaient à résoudre leurs insomnies. Quand on voit les violences qu’elles ont subies il est difficilement pensable qu’elles retrouvent une vie normale mais elles peuvent considérablement améliorer leur vie. Dans cette prise en charge qu’on appelle holistique nous associons également une prise en charge économique. Car si la femme est forte mentalement et physiquement, elle retourne dans son village. Mais si elle n’est pas autonome, on la livre une seconde fois à ses bourreaux. On a aussi commencé à soutenir les enfants dans des écoles. Ce qui est formidable, c’est combien les femmes sont capables de se battre pour elles-mêmes une fois traitées. Mais ce qui me touche encore beaucoup plus c’est quand elles reviennent pour dire : “Je veux la justice. Je connais celui ou ceux qui m’ont fait ça, il faut absolument que vous m’accompagniez devant les tribunaux.” Quand on en arrive là, on voit leur peine se transformer en courage. »
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