Matin de juillet 2017, sur ma table, le dernier numéro de Match, un portrait de Simone Veil de décembre 2004. Elle pose devant la porte d’Auschwitz. Non, en fait elle ne pose pas, elle fixe l’objectif. Dans son regard se croise la jeune Simone Jacob, à peine sortie de l’enfance, encore sous le choc de la découverte de cet enfer sur terre et Madame Veil, survivante de la Shoah, la mère, la grand-mère pudique et aimante. Soucieuse de ne pas blesser ses proches par un excès de détails, elle reste consciente de l’immense responsabilité qui est la sienne à l’hiver de sa vie, celle de la transmission de sa mémoire. Il est peu de chose qui m’émeut autant à chaque voyage de mémoire que ces femmes aux cheveux gris repassant, avec souci du détail, comme pour ne pas trahir leurs camarades disparu.e.s, la porte en métal rouillé des camps. Elles se perdent dans le temps, cherchant ce qui n’est plus, à la fois soulagées et inquiètes. Elles ont toutes le même regard, entre désespoir et cri de victoire d’être vivantes, soixante, soixante-dix ans après que les nazis aient programmé leur mort. À ce moment précis, elles sont seules avec leur […]
Étiquette : Numéro 162 – juillet 2017
Violences, se réapproprier son corps par le sport
Laurence Fischer est une karatéka, triple championne du monde. Son atout : sa force mentale. Sa passion : transmettre cette force aux femmes. Elle a fondé il y a quelques mois une ONG, Fight for dignity, qui oeuvre notamment en RDC. Entretien. Comment es-tu venue au karaté ? À l’adolescence, je n’avais pas une très grande confiance en moi. Je n’aimais pas mon corps. Le regard de l’autre me gênait. Au fond, je ne m’aimais pas. J’étais grande, on m’appelait la « gigue ». Petite, je rêvais de faire de la danse, mais on me disait non parce que j’avais une scoliose, ou encore du théâtre mais je ne correspondais pas à certains critères esthétiques. C’est là que j’ai commencé à faire du karaté, la passion de mon père que je ne voulais pourtant pas suivre. Et cette décision a changé ta vie ? La pratique de ce sport m’a permis de me révéler, cela m’a donné confiance en moi, je me suis rendu compte que mon corps était une force. J’avais envie d’apprendre, de comprendre, encore aujourd’hui cela fait partie de mon moteur de vie. Les gens qui pratiquaient avec moi m’envoyaient des ondes hyper positives. J’étais bien dans cette […]
Élise Thiébaut : « Et si on changeait les règles ? »
Journaliste et féministe, Élise Thiébaut a fait partie des seize millions de femmes en âge d’avoir leurs règles en France… Elle écrit un ouvrage sur les règles alors qu’elle est ménopausée. Ce qui l’amène aussi à constater que « comme le silence qui suit du Mozart, celui qui entoure la ménopause est encore marqué par le tabou qui l’a précédé ». Entretien. Comment est né cet ouvrage, Ceci est mon sang ? J’ai écrit en pensant à partir de ma propre histoire. J’ai longtemps eu l’envie d’écrire sur les origines de la domination patriarcale. Comment les femmes se sont-elles laissé soumettre ? J’ai beaucoup écrit sans que ce soit publié, à partir de choses que j’ai traversées. J’ai connu l’expérience de l’infertilité, la maltraitance médicale à l’égard des femmes tout au long de ma vie. Quand j’ai atteint la ménopause, cette pression s’est allégée et tout s’est agrégé. Je me suis rendu compte que peu de données existent sur la santé féminine et le système de reproduction. On ne sait pas ce qui se passe dans notre corps. On en sait plus sur le sperme que sur l’ovocyte. Le tabou des règles concerne toute l’humanité. Loin d’être la fabrique à déchets, c’est un perpétuel […]
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