Numéro 202 – Mars 2024

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Lettre à Maya Surduts

« Chère Maya,

En cette journée du 8 mars, je pense à toi. D’abord, il y a quelques jours, nous avons assisté à la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian. Je sais que la reconnaissance de notre pays envers ces deux étrangers révolutionnaires et internationalistes comme toi t’aurait plu, toi définitivement moitié juive russe, moitié cubaine. Et puis ce matin, nous avons assisté, toujours en direct, à la constitutionnalisation de l’IVG. On peut dire que notre Président a le goût du panache et de la cérémonie.

Je sais ce que tu m’aurais dit, tu le criais lors de ta dernière interview dans notre magazine concernant la loi de 1975, « Les avancées ce n’est pas l’affaire des politiques, ce sont les femmes qui les ont obtenues dans la rue, par la lutte ! » Et tu avais raison. Tu étais une féministe pragmatique, alors tu aurais directement enchaîné par une question : « Qu’est-ce que les femmes vont y gagner ? » Bien sûr, en tant qu’internationaliste, tu aurais compris l’importance du geste, du symbole pour les femmes du monde, mais finalement ce n’est pas avec des symboles que l’on avorte !

Avec Nora et la CADAC, vous seriez remontées au créneau au sein du Collectif droit des femmes pour obtenir plus. Alors que nous, les féministes, en ces temps de marasme politique, nous avons applaudi béatement le symbole sans nous rendre compte que finalement, pour les femmes de notre pays, ça ne change rien et pas un rond dans la machine, ma chère Maya. Ce droit n’est même pas opposable ! Quand une gamine ou une mère qui ne veulent plus d’enfant voudront avorter dans un département carencé où la loi Bachelot a fermé toutes les maternités et les CIVG, elles seront dans la m…. Et oui, la force de notre gouvernement est de nous faire croire qu’il fait avancer les droits des femmes sans rien changer à notre vie. Tu aurais dit : « Si ça ne profite qu’aux bourgeoises, il faut aller plus loin. » Eh bien, c’est un peu le sentiment qui est le mien aujourd’hui.

Certaines diront que je me cache derrière cette lettre que tu ne liras pas pour faire passer mes idées. Mais au fond ce n’est pas si grave, j’assume, car ça m’a fait du bien de passer un moment avec toi.

Salut Maya et surtout Mort aux cons et à ceux qui veulent nous apprivoiser ! »

Carine Delahaie

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