Joueuse au sommet de son art qui aura fait partie de cette sélection de l’équipe de France qui sort le foot féminin de l’ombre, Laura Georges vient d’intégrer le comité exécutif de la Fédération française de football. Au poste de secrétaire générale, elle encourage les féminines à ouvrir la voie aux nouvelles générations. Entretien.
Qui êtes-vous Laura Georges ?
J’ai débuté le football à l’âge de douze ans par passion. De fil en aiguille, j’ai eu des opportunités. Sélectionnée dans ma région, je suis entrée au centre de formation de Clairefontaine, à l’époque seul centre de formation pour les féminines. Puis j’ai intégré l’équipe de France, j’avais dix-sept ans. Ont suivi des compétitions, j’ai beaucoup voyagé et fait des études à l’étranger au Boston College avant d’intégrer l’Olympique lyonnais, club avec lequel j’ai gagné des titres. Aujourd’hui, en fin de carrière, je suis de retour au Paris-Saint-Germain, mon premier club. Je lui dois énormément.
Pratiquer ce sport a été important pour vous afin de vous affirmer en tant que femme ?
Le football est une passion, je n’ai jamais eu la volonté de prouver qu’une femme pouvait s’imposer dans un sport dit « masculin ». J’ai grandi avec des parents qui ne m’ont jamais montré que le football était seulement pour les garçons. Je n’ai pas subi de critiques disant « ce n’est pas fait pour toi, tu n’y arriveras pas ». Au contraire, mon entourage m’a accompagné. J’ai eu la chance d’avoir un papa qui assistait à l’ensemble de mes entraînements, qui venait à mes matchs. Il ne m’a jamais dit « tu es une fille, je ne suis pas sûr que ce soit un sport pour toi ». Ma mère ne m’a jamais dit qu’elle ne voulait pas voir sa fille faire du football. Chez moi, on trouvait ça bien que je puisse m’imposer auprès des garçons et que je veuille pratiquer ce sport. Et puis, j’ai imaginé que le football allait me permettre de poursuivre des études de haut niveau. J’ai eu la chance de rencontrer le Boston college à un moment où j’avais envie de vivre autre chose à l’étranger. C’est vrai, je me suis toujours dit que le football serait un plus. Il m’a aidé à avoir une bonne éducation avec un bachelor en communication, puis un master II à Lyon.
Vous diriez que la pratique de ce sport a été un outil pour vous construire ?
On dit que le foot est une école de la vie, je l’ai vraiment senti comme ça. On apprend à gérer la pression, à connaître la concurrence, l’adversité et à vivre toutes ces émotions. Nous ne choisissons pas avec qui nous travaillons, nous avons des coéquipières qui ont une autre éducation ou des entraîneurs qui ont des façons de manager très différentes… Le football apprend à s’adapter à tout. J’ai aussi appris sur moi. J’ai grandi en tant que personne. Je dois beaucoup au football, il m’a permis de m’épanouir, de me révéler en tant que personne. Avant j’étais quelqu’un de très timide, aujourd’hui j’aime énormément échanger avec les gens.
Le foot c’est avant tout l’éducation populaire et sportive ?
Le sport n’est pas juste un amusement. Les gens ne voient pas cela, mais le sport permet de grandir, de prendre confiance en soi. Une étude lancée par l’UEFA montre qu’une majorité de footballeuses ont beaucoup plus confiance en elles depuis qu’elles pratiquent le football. Aujourd’hui, l’UEFA veut que le football soit le sport numéro 1 chez les filles en Europe. Pour une fille, avoir confiance en soi, être bien dans son corps est fondamental.
Depuis que le foot féminin passe à la télé, y a-t-il une augmentation de licenciées au foot ?
Oui, mais cela s’accompagne d’un travail de la FFF auprès des clubs pour accueillir des joueuses, avoir des cadres féminins dans les clubs, les ligues, les districts. Tout doit concorder. Il y a vraiment une politique menée par la Fédération pour accueillir beaucoup plus de filles dans les clubs. Avec la médiatisation, les filles s’orientent plus facilement vers le foot.
Pensez-vous qu’aujourd’hui il y a des petites filles qui rêvent de devenir Laura Georges, Wendie Renard ou Camille Abily ?
Oui, je le pense, je sais qu’il y a des filles fans de mes coéquipières de l’équipe de France. J’ai aussi des fans qui me suivent, qui suivent mon actualité et me demandent des conseils. Aujourd’hui, les filles ont des références dans le football féminin, elles ont aussi des références chez les garçons, mais beaucoup ont comme repère les joueuses de l’équipe de France féminine, des joueuses internationales féminines. La visibilité du foot féminin est plus importante. Je me souviens de la campagne lancée par Femmes solidaires pour plus de sport féminin à la télé. Et bien, on y est, tous nos matchs de l’Euro féminin sont passés sur FranceTV, une chaîne publique. On n’y croyait pas !
Le président de la FFF vous a proposé d’être sur sa liste et d’avoir ce poste de secrétaire générale, que s’est-il passé dans votre tête, pourquoi avoir accepté ce poste à responsabilités ?
Le président m’a contactée pour échanger et il m’a dit : « Laura, je vous connais, vous êtes quelqu’un d’impliqué, vous n’avez pas peur de donner votre point de vue, j’aimerais que vous soyiez dans mon comité exécutif pour apporter un changement, nous avons besoin de votre regard. » J’ai réfléchi car je ne voulais pas arrêter le foot, je suis encore en activité. J’en ai parlé à mon conjoint. Je me suis dit : j’ai toujours été dans le football, depuis toute jeune, j’ai travaillé sur des mémoires sur l’évolution du football féminin dans les médias, j’ai saisi toutes les occasions pour parler du football féminin. Cette proposition pouvait être une suite logique. Mon but n’était pas d’aller dans une fonction pour le pouvoir, mais d’apporter mon regard sur le foot et si cela peut inspirer d’autres femmes, alors tant mieux. J’ai donc accepté ce poste de secrétaire générale de la FFF. C’est un signe fort pour dire aussi aux femmes qu’elles peuvent investir les postes de dirigeantes. Nous sommes trois femmes à être au Comex : Brigitte Henriquès, vice-présidente, Pauline Gamerre qui est directrice générale du Red-Star et moi-même. Florence Hardouin est également la directrice générale de la Fédération.
Quels sont les dossiers sur lesquels vous allez travailler en priorité ?
Comme je suis encore active, mon dossier prioritaire est l’arbitrage féminin. Il y a beaucoup d’évolution avec les joueuses, les clubs font un bon boulot pour développer leurs activités, les dirigeants commencent à bien prendre les choses en main, mais l’arbitrage féminin est encore en retrait. On a donc envie d’amener beaucoup plus de jeunes filles ou d’anciennes joueuses vers l’arbitrage. J’aimerais que nous ayons plus de femmes arbitres au plus haut niveau. Actuellement, nous avons trois internationales. Par exemple, nous avons Stéphanie Frappart qui est arbitre centrale en Ligue 2 ! Les femmes aussi peuvent prétendre à l’arbitrage de haut niveau avec une bonne préparation physique et une bonne connaissance du jeu. D’autres dossiers me tiennent à coeur mais je ne pourrai les aborder que lorsque j’aurai arrêté ma carrière de joueuse.
Est-ce que vous vous sentez militante du sport féminin ?
Je suis passionnée par le sport. Oui, je suis porte-parole pour la pratique du sport au féminin car je sais ce que le sport peut apporter dans la vie. Il faut encourager les filles à faire du sport. Le sport permet de se libérer, de s’ouvrir. Je fais partie de ces femmes, de ces sportives qui veulent apporter leur soutien au sport féminin.
Comment voyez-vous le foot féminin de demain ?
J’espère que les clubs vont continuer à investir dans la pratique du football féminin, qu’il y aura davantage de clubs proposant des conditions professionnelles à leurs joueuses comme au PSG ou à l’OL où l’ensemble du groupe professionnel dispose de contrats. Dans d’autres clubs, il n’y a seulement que deux ou trois joueuses qui ont des contrats professionnels. La plupart des filles en club étudient ou travaillent à côté de leur pratique du football. J’aimerais vraiment que, dans nos championnats, les filles aient toutes de meilleures conditions pour s’entraîner et s’adonner au football, et ainsi être plus performantes.
Et vos prochains rendez-vous ?
Les prochains grands rendez-vous : en 2018, il y aura la Coupe du monde féminine des U202 en Bretagne, l’été prochain. Puis, en 2019, la Coupe du monde féminine de football… De très grands événements !
Laura, comment aimeriez- vous que l’on se souvienne de vous dans vingt ans ?
J’aimerais que l’on dise de moi que j’étais juste quelqu’un de bien. C’est le plus important.
Vous écoutez quoi comme musique en ce moment ?
J’écoute de tout, j’écoute beaucoup d’artistes et, en ce moment, beaucoup de musique anglophone, d’afrobeat.
Propos recueillis par Sabine Salmon
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