Si la nouvelle a donné lieu à de nombreux articles dans la presse, le grand public semble être passé à côté d’une décision particulièrement importante pour l’avenir de notre démocratie. L’association catholique ultra traditionaliste Civitas, pro-vie et anti-avortement, vient de se déclarer parti politique et donc obtenir les conditions pour être financé comme tel. Rappelons que le projet de ce groupe proche de l’extrême droite est de « rechristianiser la France, de promouvoir et défendre la souveraineté de l’identité nationale et chrétienne ». Civitas se définit comme un « mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église catholique », il souhaite « la restauration de la royauté sociale de notre seigneur Jésus Christ… » Stop, n’en jetez plus, la cour est pleine. On comprendra aisément que cette décision remet en cause un pan entier de notre pacte républicain et avec lui l’article premier de notre Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » En effet, la République a tranché en 1905 : l’identité de notre pays ne peut être définie par […]
Catégorie : Editos
Édito : Maya est morte ce matin
Maya est morte ce matin. Je ne sais même pas si je peux être triste. La peine a-t-elle un sens ? La peine est ce sentiment qui laisse place à d’autres séquences émotionnelles. Le temps possède son propre pouvoir sur la douleur. Mais peut-on jamais faire le deuil de celles et ceux qui manqueront à leur siècle ? Elle gardait des heures sombres de l’occupation ce regard d’enfant cachée qui a une revanche à prendre sur les adultes. Il y a des étoiles jaunes qui restent cousues sur votre veste bien longtemps après que les fils en aient été disjoints. La judéité est une chaleur de l’enfance qui rappelle la main maternelle sur votre joue, la judéité est un parfum. Maya éprouvait une douleur sourde face à cette montée d’encre noire fraîche, face à l’odeur nauséabonde de l’antisémitisme ressurgissant de son passé, avec les peurs et les bruits de bottes en écho. Et puis le goût de la bile qui vous brûle quand, ces dernières années, sur l’autre front, dans la tranchée adverse, vous apercevez des anciennes sœurs d’armes, ces révolutionnaires de pacotille au rouge bruni, prêtes à tous les compromis. Jamais vraiment rassasiée, le bec ouvert à toute aventure […]
Édito : « Nul ne semblait vous voir français de préférence »
« Nul ne semblait vous voir français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant » Louis Aragon, Le roman inachevé, 1955 21 février 2016, la matinée est fraîche mais les rayons du soleil inondent les allées du cimetière d’Ivry. Je me fonds dans la foule compacte qui vient rendre hommage aux héroïnes et héros de l’Affiche rouge. Cette année, plus encore, le rendez-vous est indispensable et salutaire face à la déferlante fasciste et au sentiment anti-étranger qui monte dans notre pays. À travers le groupe Manouchian, c’est tout l’apport, le sacrifice des étrangers pour la France que nous célébrons à l’heure où tout s’écrit pour faire oublier que sans les Arméniens, les Italiens, les Polonais, les juifs fuyant les pogroms de l’est, les Algériens… Sans l’énergie de celles et ceux qui ont tout laissé pour embrasser un nouveau destin, sans ces femmes et ces hommes qui ont confronté leur existence à cette temporalité inconcevable qu’est la route de l’exil, la France ne serait pas la France. L’exil est une mer d’éternité dans laquelle seul.e.s les plus courageux osent se baigner. Hier interné.e.s à Rivesaltes, à Gurs, aujourd’hui parqué.e.s à Calais ou à Grande-Synthe, combien de nos grandes […]
Édito : Combien de regards ?
Lors de son concert à Paris, Agnès Jaoui, invitée de ce numéro, chantait Todo cambia de la grande chanteuse argentine Mercedes Sosa. La réécoutant sur un site bien connu de musique en ligne, je découvrais que l’auteur de cette chanson n’était autre que Julio Numhauser lui-même créateur du groupe Quilapayùn, interprète du célèbre El pueblo unido jamas sera vencido. Alors que la nuit tombait sur notre capitale, je succombais à la tentation de réécouter ce titre devenu l’hymne du peuple chilien face à la dictature Pinochet. Mais je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… Alors, moi-même enfant, j’étais fort impressionnée par ces hommes aux voix profondes, semblant porter à eux seuls toute l’espérance et la détermination des peuples d’Amérique latine en proie à des dictatures sanglantes et féroces. Cette chanson, El pueblo unido jamas sera vencido, porte en elle l’idée forte qu’une somme d’individualités peut faire basculer le pire des régimes. Puis je me dis que nous avions peut être trop vite oublié, peuple sans mémoire que nous sommes, oublié qu’en d’autres époques, des femmes, des hommes n’ont pas douté de leur propre capacité à changer la destinée de leur pays, malgré la peur, le terrorisme […]
Édito : Sans chemise, sans pantalon…
Fini le temps où Rika Zaraï faisait rire tout le monde en mettant le bourgeois sans chemise et sans pantalon. À la télé et sur twitter, les journalistes ont parlé d’humiliation parce qu’une poignée de syndicalistes ont attrapé par le col des gars qui n’ont même pas le courage d’affronter leur regard au moment de les priver du droit fondamental de travailler. On nous parle « d’indignité » pour la mise à nu d’une bande de Pinocchio en déroute qui, chaque jour, insultent le prolo en lui mentant sur l’état de son entreprise pour mieux le plumer. Vous voir sans chemise, quel contre-emploi quand, depuis des siècles, vous mettez en slip et soutien-gorge des générations de salarié-es et si ce n’est vous, c’est donc vos pères ! Moi, ce qui m’indigne est que si peu de citoyen-nes se soient justement indigné-es quand on est venu arrêter au petit matin des salariés dans leur foyer pour les mettre en garde à vue… Quand on sait que, dans certains quartiers, les dealers qui « emploient » des mômes dans leur funeste business, trafiquent en toute impunité, que trop souvent la jeune fille violée croise au bout de quelques mois son violeur revenu […]
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