« On peut plus rien dire ! » Voilà bien une phrase le plus souvent prononcée par ceux qui, quelques minutes plus tard, nous livrerons les atrocités les plus décomplexées. Je ne dirais pas, pour ma part, qu’on ne peut plus rien dire, je dirais qu’il est de bon ton de développer une pensée binaire où le bien et le mal croisent le fer, où il faut choisir sans arrêt un camp au risque d’être menacé·e. Comment penser librement sous la menace ? Si tu plains les Ukrainiens, tu es pro-Zelensky, sur qui il y aurait pas mal à dire… Si tu soutiens le peuple russe écrasé sous le joug de Poutine, il est de bon ton de ne pas oublier les Ukrainiens qui meurent sous les bombes au risque d’être taxé·e de pro-russe… Si tu dénonces l’antisémitisme ambiant dans ton pays, on te trouve pro-Netanyahou, si tu dénonces les civil·es qui meurent sous les bombes sans pitié de Netanyahou, tu deviens deux phrases plus tard toi-même antisémite… Si tu penses que la disparition des chrétiens d’Orient et la déportation des Arméniens du Haut-Karabakh massacrés par l’Azerbaïdjan est une barbarie, fais bien attention à ne pas être catalogué·e d’islamophobe anti-turc, et puis arrête de donner ton point de vue sur la corruption et les viols en RDC, c’est colonial… STOP !
Je ne veux pas choisir de camp ! Je veux exprimer des opinions conformes à mes valeurs de féministe pacifiste. Il est des actes qui ne sont pas justifiables quel que soit le contexte : le viol utilisé comme arme de guerre, le massacre de populations civiles avec des bombes ou des armes de poing, la colonisation des terres, la déportation des populations, la torture, les actes génocidaires, la prise d’otages, d’hommes, de femmes et d’enfants pour semer la terreur, le soutien aux extrémistes religieux et à l’extrême droite, qu’ils s’incarnent sous la forme d’un groupe terroriste ou d’un État de droit légitimement élu…
Et je revendique de penser toutes ces choses dans le même temps. Chacun devra répondre de ses crimes. Mais il reste plus que jamais pertinent et cohérent de penser le monde tel qu’on voudrait qu’il soit plutôt que de verser dans la haine qu’il nous inspire en constatant ce qu’il est. Je ne veux pas choisir un camp. Je veux la paix. Juste la paix !
