Édito : L’honneur de la France

Le 11 novembre 2018, la France rendait hommage aux soldats de la Grande guerre. Quelle n’a pas été ma surprise en découvrant à la une d’un célèbre magazine vantant « le poids des mots et le choc des photos » que le dictateur Ismaïl Omar Guelleh, IOG, Président de Djibouti, figurait en bonne place sur la photo de famille. Au nom de quoi ? Certainement de nos arrangements pour maintenir une base aérienne dans la corne de l’Afrique. Il n’a pas été publié une photo de cette cérémonie où le Président djiboutien ne figure dans la perspective du Président Emmanuel Macron. Pour le coup, le choc fut rude car le symbole meurtrier. Alors que le gouvernement français, pour des raisons d’État, n’a jamais voulu tendre la main aux dix femmes djiboutiennes en grève de la faim dans les locaux de l’association Femmes solidaires en avril 2016, les plus hautes instances de l’État s’affichent avec leur bourreau. Ces femmes afars, membres d’une minorité considérée comme opposante au pouvoir, dénoncent les viols perpétrés par des soldats de l’armée djiboutienne, pour certains très proches d’IOG, et ce en toute impunité. Et voilà que les honneurs sont rendus publiquement au commanditaire de tant d’exactions. […]

La liberté n’est ni occidentale ni orientale, elle est universelle

En ce début d’année 2019, quarante ans après la Révolution islamique iranienne, l’écrivaine Chahla Chafiq publie un livre intitulé Le rendez-vous iranien de Simone de Beauvoir. L’histoire n’est pas, en réalité, un éternel recommencement. Elle s’inscrit dans une continuité, aussi mathématique que les chiffres, telle une suite logique. En tant que démocrate, féministe, je me suis souvent sentie gênée vis-à-vis des exilées, notamment mon amie Chahla Chafiq ou mes amies algériennes, fuyant les violences de leur pays, s’accrochant à l’espoir d’une laïcité universelle en France au prix de déchirements psychologiques et affectifs d’une grande violence. Comment pourrait-elle nous pardonner ce sabordage démocratique auquel nous assistons ? Comment accepter de les voir revivre toujours le même scenario, un mauvais remake ? Comment la banalisation de l’islamisme a-t-elle pu opérer en France et comment la gauche peut-elle être aussi complaisante avec l’islam politique après avoir été aussi anticléricale avec l’église catholique ? C’est dans ce livre pédagogique et rigoureux où Chahla Chafiq la sociologue et Chahla Chafiq l’écrivaine se rencontrent dans le style et la sensibilité, que j’ai trouvé de nouvelles réponses pour mieux comprendre ma propre histoire. L’autrice y rappelle comment les révolutions prennent systématiquement leurs distances avec l’émancipation des femmes, alliant […]

Le courage des filles afars

Aïcha Dabalé, féministe franco-djiboutienne afar, est investie depuis l’âge de dix-sept ans pour les droits des femmes. Sabine Salmon, présidente nationale de Femmes solidaires, porte la voix de son mouvement qui accompagne les femmes afars depuis treize ans. Yvette Barilleau, architecte retraitée, est engagée depuis de longues années dans cette association féministe et coordinatrice de ses projets en Éthiopie. Entretien croisé sur le projet Kimbidalé avec des femmes « battantes » de France et d’Éthiopie. Le début d’une aventure incroyable… Aïcha D. : Il y a une vingtaine d’années, j’ai appris qu’il y avait des femmes qui menaient des actions contre les pratiques ancestrales d’excision et d’infibulation en pays Afar d’Éthiopie, d’où je suis originaire. Depuis l’âge de dix-sept ans, je me battais moi-même contre ces pratiques. J’ai rencontré ces femmes, Madina et Halima, de l’association Karrera, aujourd’hui Gamissa. Elles souhaitaient faire porter leurs voix au-delà des frontières et toucher une ONG qui aurait pu les aider. Je militais moi-même en France à Femmes solidaires qui luttait contre l’impunité des viols à Djibouti. J’ai alerté mes amies et les ai emmenées sur le terrain. Sabine S. : Aïcha est partie en mission avec une représentante de Femmes solidaires, Simone Bernier. Un soir, […]