Vous connaissez cet·te ami·e que vous rencontrez et qui vous dit : « Tu ne changes pas… » Vous souriez bêtement, faites semblant, mais vous ne le croyez pas une seule seconde. En fait, on change évidemment, irrémédiablement on change. Et ce n’est pas si grave. Ce qui serait grave ce serait d’oublier. Bien sûr on change, mais le plus important est de ne pas oublier. Ne pas oublier les siens, ne pas oublier d’où l’on vient, ni ceux et celles que nous avons croisé·es depuis l’enfance. Ne pas oublier ceux et celles qui nous ont fait du bien et ceux et celles qui nous ont fait du mal. Et surtout ne pas oublier la fillette, l’enfant que nous avons été.

Ce 9 décembre, au Tribunal correctionnel de Paris, Adèle Haenel n’a pas oublié la fillette et la jeune fille de douze ans qu’elle était en faisant face à son bourreau Christophe Ruggia. Elle a pris soin de l’emmener avec elle dans les couloirs de ce Palais de justice pour dénoncer les agressions sexuelles dont elles sont toutes deux victimes, cette fille de douze ans en souffrance, cette femme de trente-cinq ans qui a soif de justice et qui tente de panser ses blessures.

Et face aux deux, l’auteur de violences sexuelles sur mineure a toujours le même geste, il passe de l’impunité à l’indignité, il nie. Il fait appel et il continue son œuvre de destruction.

Avec Adèle Haenel, Judith Godrèche et des milliers de femmes et d’hommes n’oublient pas les enfants qu’elles et ils ont été. Elles et ils changent chaque jour parce que la vie nous change. Les poings rageurs, le regard déterminé, aux côtés de celles et ceux qui n’ont pas encore fait le pas et se murent dans le silence, elles crient parfois, elles tapent du poing sur la table, elles insultent, elles revendiquent, elles sont applaudies, et finalement elles retrouvent leur fierté. Mais surtout… elles n’oublient pas.