Édito : Sans chemise, sans pantalon…

Fini le temps où Rika Zaraï faisait rire tout le monde en mettant le bourgeois sans che­mise et sans pantalon. À la télé et sur twitter, les journalistes ont parlé d’humiliation parce qu’une poignée de syndicalistes ont attrapé par le col des gars qui n’ont même pas le courage d’affronter leur regard au moment de les priver du droit fondamental de travailler. On nous parle « d’indignité » pour la mise à nu d’une bande de Pinocchio en déroute qui, chaque jour, insultent le prolo en lui mentant sur l’état de son entreprise pour mieux le plumer. Vous voir sans chemise, quel contre-emploi quand, depuis des siècles, vous mettez en slip et soutien-gorge des générations de salarié-es et si ce n’est vous, c’est donc vos pères !

Moi, ce qui m’indigne est que si peu de citoyen-nes se soient justement indigné-es quand on est venu arrêter au petit matin des salariés dans leur foyer pour les mettre en garde à vue… Quand on sait que, dans certains quartiers, les dealers qui « emploient » des mômes dans leur funeste business, trafiquent en toute impunité, que trop souvent la jeune fille violée croise au bout de quelques mois son violeur revenu dans le quartier en toute impunité, que la femme victime de violences doit toujours fournir la charge de la preuve pour que la société la croit et que le mari sera vite relâché en toute impunité, que des maires, ou parlementaires tombés pour harcèlement sexuel continuent d’exercer leurs fonctions, adoubés par leur parti sans avoir fait un jour de prison en toute impunité.

Certain-es me diront tu t’égares, nous sommes dans un journal féministe, pas dans une tribune syndicaliste. Mais être féministe n’est-ce pas s’indigner de l’injustice, n’est-ce pas renverser les systèmes de domination ? Quelle plus grande injustice que de créer chaque jour des richesses pour son entreprise et d’être licencié pour dégager une meil­leure marge à une poignée d’actionnaires.

Je doute parfois qu’on soit dans un État de droit et je me dis que ces sa­larié-es d’Air France sont vraiment devenus nos « bouquets de misère » comme dit ma voisine. En tout cas ? Tout ça ne vole pas bien haut.

Carine Delahaie

Édito du numéro 152 de Clara magazine (novembre 2015)

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