Édito : Tais-toi et marche !

Échapper au pire nous condamne-t-il toujours à combattre le « meilleur » ? 20h01, le 7 mai, Emmanuel Macron est élu Président de la République. Mon coeur se desserre d’un coup. Le garrot du fascisme vient de lâcher, le sang réintègre chacun de mes membres exsangues. Je ne pensais pas que la promesse libérale puisse agir sur moi comme un puissant décontractant musculaire. Mon corps se rappelle à moi et la sensation d’apesanteur n’est pas longue, la réalité revient doucement me plomber.

La présidentielle m’a laissée KO. Mais promis, cette fois je me tais. Je ne dis rien de ce que je pense. Je ne vous dis rien de ce qui m’accable. Je ne vous dis pas tout ce qui passe dans ma tête libérée. Je ne vous dis pas ma nausée quand je pense que plus de 900 000 filles sont violées chaque année et que la question des violences sexuelles sur les enfants et les femmes n’a même pas été mentionnée dans les débats télévisés durant les élections. Je ne vous dis pas que je ne comprends pas que le front républicain n’ait pas été unanime pour repousser Marine Le Pen aux confins de la démocratie en dessous de la barre des 20 %. Je ne vous dis pas que le féminisme tendance vegan reste pour moi la seule vraie lutte des classes qui valent le coup, car quand l’ouvrier est libre, quand il se prend pour le patron, cela ne l’empêche pas de continuer d’oppresser sa femme et de battre son chien. Je ne crois plus en tous ces messies de la politique qui disent « je » quand ils disent « nous » et qui se prennent pour Jaurès, Mitterrand ou De Gaulle et jamais pour Louise Michel, pour Simone Veil, Gisèle Halimi ou Geneviève de Gaulle. Je ne vous dirai pas ce que je pense, pas cette fois car je n’ai plus la force. Par contre, je donne rendez-vous à ma bande dès demain, celles des filles sans parti pris, sans compromis pour la cause des femmes… Je leur donne rendez-vous Place de la Liberté, avec leurs enfants si elles veulent et leurs chiens aussi pourquoi pas. Si elles ont un moment on boira un verre et puis après comme d’habitude, on verra ce qu’on fait. Sans Dieu, ni maître, ni messie…

Carine Delahaie

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