Édito : « Sous mon sein, la grenade… »

Le dossier de ce numéro sur les centres de prise en charge holistique a eu un impact important sur chacune des journalistes qui y ont participé. Témoignages, interviews, photos… Chaque regard de femme ou d’enfant nous a une fois de plus changées et a changé le regard que nous portions sur le monde. Si nous avons voulu au coeur de ces pages montrer l’espoir et la vie retrouvée, nous ne pouvons étouffer la colère qui est la nôtre face aux mutilations atroces que vivent les femmes partout dans le monde et particulièrement en RDC.
Le monde est un terrain de jeu pour des hommes à la masculinité toxique. Depuis la nuit des temps, les hommes se présentent comme ceux qui protègent les femmes. Ils font la guerre, chevaliers et soldats pour protéger leur princesse… Foutaise. Ils enferment les femmes dans des forteresses bien gardées sous prétexte de les protéger. Ces prisons rouillées de stéréotypes sont surtout des moyens de contrôler leur corps et leur vie.

Ne nous protégez pas, désormais on s’en occupe nous-mêmes…

Honnêtement, je me suis posée la question en voyant que les femmes afars à leur tour prennent les armes. Que peuvent-elles bien faire d’autres en pleine guerre civile, femmes excisées qui se sont battues depuis vingt ans contre les mutilations sexuelles, les mariages forcés et l’illettrisme ? Doivent-elles attendre d’être à nouveau les victimes de viols massifs utilisés comme armes de guerre ? Et les femmes du Congo ? Doivent-elles attendent que l’ONU les protège par les voies diplomatiques ou militaires qui sont restées jusqu’à ce jour inefficaces ? N’ont-elles pas intérêt à lever des armées pour faire trembler leurs bourreaux ?

Je n’ai pas de réponse à ces questions qui viennent se fracasser sur ma peine et ma colère. Mais ce que je sais c’est que personne ne pourra plus jamais regarder les femmes kurdes sans penser à ces combattantes, armes à la main, qui se sont battues pour défendre le monde contre Daech. Alors je vous le demande, n’avons-nous d’autres choix, nous les femmes, que de prendre les armes pour ne pas être violées par des soldats en déroute dans toutes les cours de récrés, toutes les rues de nos villes ou tous les chemins du monde ? « Hé toi, qu’est-ce que tu regardes ? T’as jamais vu une femme qui se bat ? »

Carine Delahaie

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