Édito : Pas d’universalité des droits en terre inconnue

Un nouvel épisode de l’émission Rendez-vous en terre inconnue est diffusé ces jours-ci. Cette fois encore, un invité prestigieux part à la découverte d’un peuple dont les coutumes et les usages lui paraîtront curieux, ce qui donnera des scènes cocasses dont les téléspectateurs de France 2 sont friands. Dans cet épisode, c’est le chanteur Vianney, joli cœur à la guitare, qui vient à la rencontre du peuple afar en Éthiopie. Nous avons très souvent parlé des femmes afars dans votre magazine et, notamment depuis quinze ans, de leur combat contre l’excision et le mariage préférentiel et précoce des enfants. Dans chaque pays où nous nous rendons, nous ne cessons de le crier : il y a des femmes qui luttent pour leur droits et leur dignité dans le monde entier. Notre job est de relayer leur parole. Mais dans tous ces pays, il y a aussi des hommes qui, nonchalamment, aimeraient bien voir leurs prérogatives et leur domination perdurer.

Ainsi dans cette émission, au détour d’une conversion entre « bonzhommes », le chanteur et Raphaël de Casabianca, l’animateur, ont découvert dans un échange avec un des hommes de la communauté des pratiques exotiques passionnantes – à savoir la polygamie, le mariage précoce (il s’agit de mariage d’enfants de douze ans) et préférentiel – qui ont retenu toute leur attention. Les uns posant des questions, les autres y répondant tranquillement comme s’ils discutaient de pratiques acceptables bien qu’un peu éloignées de leur culture.

L’universalité des droits des femmes n’est toujours pas un réflexe. Et Vianney comme Raphaël de Casabianca, loin de penser que ces violences puissent être acceptables pour leurs épouses ou concubines n’ont rien eu à en dire et ce pour ne pas blesser les hommes afars. Mais quid de nos sœurs afars étouffées et mutilées depuis des siècles par des pratiques barbares et néfastes qui existent dans toutes les cultures et ne sont jamais acceptables où qu’elles soient pratiquées à travers le monde, à Paris ou à Addis-Abeba ? Comme si ce n’était pas déjà assez grave de violenter les femmes afars, cette émission, en banalisant leurs souffrances et en les rendant culturellement acceptables aux yeux de l’Europe, les blesse une seconde fois.

Ne laissez pas vos enfants avec du temps de cerveau disponible traîner « en terre inconnue », ou France 2 se chargera d’en faire des patriarches et des ménagères de moins de quinze ans…

Carine Delahaie

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