Édito : Mes larmes sèchent d’elles-mêmes…

Il y a maintenant dix ans, Amy Winehouse disparaissait. Amy Winehouse, une musicienne géniale dont la voix vient nous chercher dans nos propres émotions. Amy, juste une fille submergée par ses sentiments, juste une fille définitivement insolente, qui a sublimé ses souffrances dans la musique qu’elle a créée et les mots qu’elle a hurlés à la face du monde. Elle a laissé comme une plaie béante dans la musique, dans tant de vies d’artistes, et surtout de fans.

Pourtant, tout ce talent, ce manque d’elle, n’a pas vraiment compté pendant dix ans. Tout ce qui a intéressé les critiques, la presse et ses tabloïds c’est l’alcoolisme d’Amy Winehouse. Combien de comiques, de présentateurs de télé l’ont citée ou imitée à chaque fois qu’ils avaient l’occasion de parler d’alcool ou de drogue. Amy Winehouse a été le plus souvent essentialisée par ses démons, ses addictions, caricaturée, maigre, saoule et titubante…

Le 23 juillet 2011, elle rejoignait le « club des 27 », ces artistes mythiques du rock et du blues disparu.e.s à l’âge de vingt-sept ans dont parmi les plus connu.e.s Jim Morrison, Kurt Cobain ou encore Jimi Hendrix sont tous morts en victimes directes ou indirectes de leurs addictions. Pourtant, chez ces artistes hommes, les addictions, les drogues, l’alcool et les cachets demeurent des plus-values artistiques qui leur permettent d’étoffer leurs créations, de donner une nouvelle dimension à leur génie. Jamais on ne se moque d’eux. Pour les femmes, l’alcool, la drogue sont une honte, une faiblesse qui fait rire… Broyée par le système, par des proches malveillants, sans doute un peu trop honnête sur sa vie, Amy Winehouse a été donnée en pâture à la presse meurtrière, rien n’a trouvé grâce aux yeux du grand public. Femmes et hommes, nous ne sommes pas encore égaux devant les souffrances de la vie. On ne pardonne pas aux femmes leur part d’ombre, surtout quand elle devient publique. Elles feraient mieux de souffrir en silence car, au fond, elles sont des mères potentielles.

Amy Winehouse nous laisse le souvenir d’une fille drôle et libre, libre de vivre sa vie au grand jour, de montrer son corps tatoué de mille émotions, libre d’aimer la musique des années 60, libre de dire « no » même aux jours meilleurs, libre même de ne pas en finir avec ses démons.

My tears dry their own, mes larmes sèchent d’elles-mêmes. C’est vrai. Mais elles ne sont jamais très longues à venir quand je pose sur la platine le dernier album de la très grande Amy Winehouse Back to black.

Carine Delahaie

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