Édito : L’honneur de la France

Le 11 novembre 2018, la France rendait hommage aux soldats de la Grande guerre. Quelle n’a pas été ma surprise en découvrant à la une d’un célèbre magazine vantant « le poids des mots et le choc des photos » que le dictateur Ismaïl Omar Guelleh, IOG, Président de Djibouti, figurait en bonne place sur la photo de famille. Au nom de quoi ? Certainement de nos arrangements pour maintenir une base aérienne dans la corne de l’Afrique. Il n’a pas été publié une photo de cette cérémonie où le Président djiboutien ne figure dans la perspective du Président Emmanuel Macron. Pour le coup, le choc fut rude car le symbole meurtrier.

Alors que le gouvernement français, pour des raisons d’État, n’a jamais voulu tendre la main aux dix femmes djiboutiennes en grève de la faim dans les locaux de l’association Femmes solidaires en avril 2016, les plus hautes instances de l’État s’affichent avec leur bourreau. Ces femmes afars, membres d’une minorité considérée comme opposante au pouvoir, dénoncent les viols perpétrés par des soldats de l’armée djiboutienne, pour certains très proches d’IOG, et ce en toute impunité. Et voilà que les honneurs sont rendus publiquement au commanditaire de tant d’exactions. Que croyez-vous qu’aient ressenti ces femmes ? Quelle humiliation supplémentaire pour les démocrates djiboutien.ne.s torturé.e.s par la dictature dans la triste prison de Gabode, quand le sourire de leur tortionnaire s’affiche aux yeux du monde comme un des hôtes privilégiés du Président français, un jour d’une telle importance.

J’ai compris quelques jours plus tard pourquoi tant d’honneur était fait à IOG : un renvoi d’ascenseur ? Il a finalement « lâché » aux autorités françaises Peter Cherif, proche des frères Kouachi, un des cerveaux des attentats contre Charlie Hebdo retranché dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique. Je me suis alors demandé si, pour faire justice d’une part, il fallait accepter l’impunité d’autre part ? Je ne le crois pas. Aucun.e démocrate ne peut penser ça. Quel affront fait à toutes les victimes, aux femmes afars, aux victimes de Charlie Hebdo et aux poilus de la guerre de 14-18. Quel déshonneur pour la France !

Carine Delahaie

 

Pour consulter le sommaire 171 (janvier 2019) de Clara magazine : c’est ici ! 

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