Édito : 7, 8, 9 janvier 2015. Mort.e.s pour la France

Déjà trois ans et chacun.e de nous se souvient de ce qu’il faisait quand, en matinée du mercredi 7 janvier 2015, nous avons appris que la conférence de rédaction de Charlie Hebdo venait d’être la cible de tirs. Et puis les noms des victimes sont tombés.

Le mois de janvier ne sera plus jamais comme avant dans notre pays, même si certains avancent l’idée qu’il faudrait tourner la page… Bien sûr que pour les familles des victimes, pour les survivant.e.s de Charlie, de l’Hyper Cacher, aucune page ne peut être tournée. Mais aussi pour l’idée que l’on se fait de notre nation, aucune page ne peut être tournée. Ces crimes ne sont pas seulement des crimes terroristes, ce sont des crimes politiques. Les victimes du 7 janvier 2015 ont été désignées pour ce qu’elles et ils étaient et pas seulement pour ce qu’elles et ils représentaient. Pour la première fois en France, il y eut une fracture publique entre ceux qui leur rendaient hommage et ceux qui s’y refusaient. Et des victimes d’attentats furent désigné.e.s par certains comme responsables de leur assassinat, alors même qu’ils n’étaient pas enterré.e.s. Ce ne fut pas seulement par la parole de gamins écorchés, pas assez éduqués, dans un système scolaire qui ne s’était pas préparé au rejet de leur pays, de ses valeurs et de son histoire. Ce fut également le cas d’intellectuel.le.s de gauche dans les colonnes de quotidiens et de sites d’information. Il ne fallut que quelques jours pour que la gangrène du « oui mais… » se propage dans la société française. Comment Edwy Plenel peut-il encore profiter d’une liberté d’expression qui le fait vivre sans rendre hommage humblement à celles et ceux qui payèrent de leur vie cette liberté ? Car au fond, si on ne peut sans doute pas rire de tout, on peut accepter de rire de soi.

Mais ne nous méprenons pas, les membres de la rédaction de Charlie Hebdo ne sont pas morts pour des dessins, ils sont morts pour leurs opinions, pour la laïcité et la liberté. Les policier.e.s ne sont pas mort.e.s seulement parce qu’ils incarnaient l’ordre républicain mais parce que la France s’oppose à Daech. Les victimes de l’Hyper Cacher ne sont pas mortes parce qu’elles et ils étaient juifs de France mais parce que l’antisémitisme est toujours une réalité dans notre pays et qu’il gagne du terrain. Il faut donner les vraies raisons de la mort des VICTIMES des 7, 8 et 9 janvier 2015. Ainsi, nous comprendrons peut-être qu’elles et ils sont mort.e.s pour nous, que leur mort nous concerne tous et toutes au-delà de toute considération et que finalement… elles et ils sont mort.e.s pour la France.

Carine Delahaie

 

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